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Huawei: l'héritière de l'empire est bien soupçonnée de fraude

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- - FRED DUFOUR / AFP

Confirmation par la justice canadienne des soupçons qui pèsent sur la directrice financière du géant chinois des télécoms Huawei

Meng Wanzhou avait été interpellée le 1er décembre à l'aéroport de Vancouver à la demande des Etats-Unis. La directrice financière de Huawei, et fille du fondateur du géant des télécoms chinois, est soupçonnée d'avoir menti à plusieurs banques sur les liens entre Huawei et l'une de ses filiales, SkyCom. Une manoeuvre qui aurait permis à cette société d'accéder au marché iranien en violation des sanctions américaines. La justice américaine demande son extradition.

La directrice financière de Huawei aurait personnellement nié auprès de banquiers américains, en 2013, tout lien direct entre Huawei et la société SkyCom. La justice américaine ne l'entend pas de cette oreille et affirme pour sa part que «SkyCom, c'est Huawei». La dirigeante était membre du conseil d'administration de SkyCom il y a une dizaine d'années. Depuis la société a été vendue. Seulement la justice américaine estime que le groupe chinois en a gardé le contrôle, les employés de SkyCom ayant par exemple continué à utiliser les adresses électroniques huawei.com.

Aujourd'hui, la dirigeante de 46 ans risque gros. Elle est accusée de «complot d'escroquerie au détriment de plusieurs institutions financières», des chefs d'accusation passibles de 30 ans de prison aux Etats-Unis. L'avocat représentant le gouvernement canadien s'est opposé à la remise en liberté conditionnelle de la fille de Ren Zhengfei, fondateur de Huawei en 1987 et ancien membre de l'armée chinoise. Il a estimé qu'elle avait de bonnes raisons pour être tentée de fuir le Canada et rentrer en Chine. L'audience devant un juge de la Cour suprême de Vancouver a été ajournée ce vendredi après plusieurs heures de débats, et doit reprendre lundi. Le juge devrait alors se prononcer sur une éventuelle libération sous caution de Meng Wanzhou.

L'avocat de la dirigeante chinoise a pour sa part assuré que sa cliente ne prendrait pas le risque de «faire honte» à son père, sa société et son pays en prenant la fuite. Elle s'engagerait par ailleurs à rendre ses passeports, à porter un bracelet électronique et à financer sa propre surveillance pendant la procédure.

Huawei accusé d'être lié au gouvernement chinois

Les déboires du groupe chinois aux Etats-Unis ne datent pas d'hier. Les agences de renseignement américaines accusent Huawei d'être lié au gouvernement chinois et assurent que les équipements qu'elle vend pourraient contenir des «portes dérobées» utilisées par les services secrets du régime communiste pour avoir accès aux systèmes vendus. Aucune preuve n'a été produite publiquement et la société a, à plusieurs reprises, nié ces allégations. Les produits Huawei sont utilisés par des opérateurs téléphoniques dans le monde entier, notamment en Europe, en Afrique et au Canada. Mais le groupe a été banni des projets d'infrastructures américains en raison de ces craintes d'espionnage au profit de Pékin.

Le groupe Huawei a réagi à l'arrestation de Meng Wanzhou par communiqué ce vendredi soir, expliquant qu'il suivrait les audiences la semaine prochaine et en faisant part de sa «confiance que les systèmes judiciaires américain et canadien arriveront aux bonnes conclusions». Les autorités chinoises ont de leur côté fait part de leur colère et exigent la remise en liberté immédiate de la dirigeante.

Il faut dire que cette affaire arrive au pire moment pour la relation entre Pékin et Washington. L'interpellation de Meng Wanzhou inquiète les marchés et alimente les craintes d'une relance de la guerre commerciale entre les deux pays, quelques jours seulement après la rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping en marge du G20. Les deux dirigeants se sont donnés 90 jours pour parvenir à un accord commercial. Cette affaire risque bien d'affecter ces tractations déjà difficiles.

Sandrine Serais