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 Huawei: la Chine menace le Canada

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- - WANG ZHAO / AFP

Une semaine après l'arrestation de l'héritière de Huawei, la Chine réclame sa libération immédiate et menace le Canada de «graves conséquences».

Pékin hausse le ton. Le ministère chinois des Affaires étrangères a de nouveau réclamé ce samedi la libération immédiate de Meng Wanzhou sous peine de "graves conséquences". L'ambassadeur du Canada en poste à Pékin a été convoqué par les autorités chinoises pour faire passer leur message. L'affaire est prise très au sérieux. Le Yucheng, vice-ministre chinois des Affaires étrangères, estime que l'arrestation de la dirigeante de Huawei constitue une grave violation de ses droits. Cette initiative canadienne «a ignoré la loi, était déraisonnable et extrêmement pénible», estime Le Yucheng. «La Chine exhorte vivement la partie canadienne à libérer immédiatement cette personne détenue et à veiller à protéger ses droits légaux et légitimes. A défaut le Canada devra assumer la pleine responsabilité des graves conséquences causées».

Vendredi, l'ambassadeur canadien en poste à Pékin avait garanti à ses interlocuteurs chinois que Meng Wanzhou disposerait d'une assistance consulaire. Pas suffisant pour apaiser la colère des autorités chinoises. Pour David Mulroney, ancien ambassadeur du Canada en Chine, «Il y aura sans doute un gel sévère des visites de haut rang et des échanges avec la Chine. Il ne sera plus possible de discuter de libre-échange pendant un certain temps. Mais nous devrons faire avec. C'est le prix à payer pour traiter avec un pays comme la Chine».

La directrice financière du géant chinois des télécoms Huawei est dans le viseur de la justice américaine. Interpellée le 1er décembre à l'aéroport de Vancouver à la demande des Etats-Unis, la fille du fondateur du groupe est soupçonnée d'avoir menti à plusieurs banques sur les liens entre Huawei et l'une de ses filiales, SkyCom, ce qui aurait permis à cette société d'accéder au marché iranien en violation des sanctions américaines.

Elle aurait personnellement nié auprès de banquiers américains, en 2013, tout lien direct entre Huawei et la société SkyCom. La justice américaine ne l'entend pas de cette oreille et affirme pour sa part que «SkyCom, c'est Huawei». La dirigeante était membre du conseil d'administration de SkyCom il y a une dizaine d'années. Depuis la société a été vendue. Seulement la justice américaine estime que le groupe chinois en a gardé le contrôle, les employés de SkyCom ayant par exemple continué à utiliser les adresses électroniques huawei.com.

Aujourd'hui, la dirigeante de 46 ans risque gros. Elle est accusée de «complot d'escroquerie au détriment de plusieurs institutions financières», des chefs d'accusation passibles de 30 ans de prison aux Etats-Unis. L'avocat représentant le gouvernement canadien s'est opposé à la remise en liberté conditionnelle de la fille de Ren Zhengfei, fondateur de Huawei en 1987 et ancien membre de l'armée chinoise. Il a estimé qu'elle avait de bonnes raisons pour être tentée de fuir le Canada et rentrer en Chine. L'audience devant un juge de la Cour suprême de Vancouver a été ajournée ce vendredi après plusieurs heures de débats, et doit reprendre ce lundi. Le juge devrait alors se prononcer sur une éventuelle libération sous caution de Meng Wanzhou.

L'avocat de la dirigeante chinoise a pour sa part assuré que sa cliente ne prendrait pas le risque de «faire honte» à son père, sa société et son pays en prenant la fuite. Elle s'engagerait par ailleurs à rendre ses passeports, à porter un bracelet électronique et à financer sa propre surveillance pendant la procédure.

Huawei accusé d'être lié au gouvernement chinois

Les déboires du groupe chinois aux Etats-Unis ne datent pas d'hier. Les agences de renseignement américaines accusent Huawei d'être lié au gouvernement chinois et assurent que les équipements qu'elle vend pourraient contenir des «portes dérobées» utilisées par les services secrets du régime communiste pour avoir accès aux systèmes vendus. Aucune preuve n'a été produite publiquement et la société a, à plusieurs reprises, nié ces allégations. Les produits Huawei sont utilisés par des opérateurs téléphoniques dans le monde entier, notamment en Europe, en Afrique et au Canada. Mais le groupe a été banni des projets d'infrastructures américains en raison de ces craintes d'espionnage au profit de Pékin.

Cette affaire arrive au pire moment pour la relation entre Pékin et Washington. L'interpellation de Meng Wanzhou inquiète les marchés et alimente les craintes d'une relance de la guerre commerciale entre les deux pays, quelques jours seulement après la rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping en marge du G20. Les deux dirigeants se sont donnés 90 jours pour parvenir à un accord commercial. Cette affaire risque bien d'affecter ces tractations déjà difficiles.

Sandrine Serais