BFM Patrimoine
Immobilier

Acheter au Portugal: attention à l'envolée des prix de l'immobilier

D'un point de vue fiscal, si l'incitation pour les ressortissants a le mérite d'exister, elle n'en est pas moins à appréhender comme il se doit avant tout investissement.

D'un point de vue fiscal, si l'incitation pour les ressortissants a le mérite d'exister, elle n'en est pas moins à appréhender comme il se doit avant tout investissement. - Pixabay

L'embellie économique pousse nettement à la hausse les prix de l'immobilier au Portugal. Malgré une attrayante fiscalité qui a déjà séduit des milliers de Français, l'acquisition d'un bien n'est plus aussi avantageuse.

Ce dimanche, les Portugais se rendront aux urnes pour élire leurs députés. L'occasion pour le Premier ministre Antonio Costa, candidat du Parti socialiste et grand favori du scrutin, de réaliser un premier bilan de sortie de crise. Entre 2010 et 2015, le pays se trouvait dans une situation financière si difficile qu'un grand nombre de portugais avaient été contraints de s'expatrier.

La crise des dettes européennes avait obligé le Portugal à demander en 2011 l'aide de l'Union européenne ainsi que du Fonds monétaire international (FMI). En échange d'une aide de 78 milliards d'euros, le gouvernement, avait accepté d'appliquer une sévère cure d'austérité.

Et le "miracle économique" fut

Mais grâce à ce remède de cheval, le pays s'est extirpé du bourbier. L'an passé, le Portugal a connu une croissance moyenne portée à 2,4%, et affiche désormais un taux de chômage de 6,2% - à faire pâlir ses voisins européens (il est de 8,5% en France, selon les dernières estimations de l'Insee). Certes la dette publique portugaise demeure l'une des plus importantes d'Europe et toutes les difficultés ne se sont pas dissipées.

Malgré cela, ce renouveau fait figure "miracle économique". Les ressortissants qui avaient quitté le pays à un rythme inconnu depuis les années 1960, sont même appelés à effectuer leur retour -le programme Regressar- à coup d'incitations fiscales multiples.

Mais l'amélioration de l'économie ne va pas sans conséquences sur le coût de la vie, mais surtout sur ceux des actifs immobiliers. Là où le Portugal incarnait, encore il y a quelques années, une forme d'eldorado pour les investisseurs souhaitant acquérir un bien, le pays affiche désormais des prix au mètre carré à faire pâlir le portefeuille des investisseurs étrangers. Les Français en tête.

8.000 euros le prix au mètre carré à Lisbonne

"À Lisbonne, les prix ont dépassé les 8.000 euros le mètre carré", souligne Léo Attias, président de FIABCI-France, la Fédération Internationale de l’Immobilier. "Le Portugal n'est plus aussi intéressant qu'avant et toute la côte ouest commence à être construite. Dans la région de l'Algarve située dans le sud du pays, des promoteurs, notamment Français, arrivent peu à peu, mais les prix restent élevés".

"Parallèlement à cela, il y a des nouveaux projets très luxueux qui appellent une nouvelle clientèle. Nous ne sommes plus dans un budget classique du retraité français de 200 à 300.000 euros: les constructions réalisées requièrent de disposer parfois de 800.000 euros. Il y a donc un retour de bâton. Aujourd'hui, le Portugal n'est plus attractif dans le sens immobilier pour faire une plus-value à terme". En outre, précise Léo Attias, "le pays propose de plus en plus de programmes immobiliers de luxe. Il fonde tout sur le golf. Ce qui appelle une clientèle aisée".

Pour l'heure, les Français restent les premiers investisseurs étrangers au Portugal. Ils sont des dizaines de milliers à avoir choisir d'investir là-bas (le plus souvent pour leur retraite). Mais au-delà de ce "miracle économique", "la demande sur place en matière d'immobilier (c'est également le cas en Espagne) est telle", détaille le président de FIABCI-France, que "cela devient difficile d'investir dans la pierre", même pour les Français. À moins de s'éloigner sensiblement des grandes villes et des zones les plus prisées.

Gare à la fiscalité

D'un point de vue fiscal, si l'incitation pour les ressortissants français a le mérite d'exister, elle n'en est pas moins à appréhender comme il se doit avant tout investissement. En 2009, un régime répondant au nom de régime des "résidents non habituels" (RNH) a vu le jour. Réservé aux personnes qui décident de partir vivre au Portugal et qui n'y ont pas été résidentes au cours des cinq dernières années, ce régime –destiné à attirer les actifs exerçant une activité "à forte valeur ajoutée" pour leur permettre de bénéficier d'un taux d'imposition réduit (20%)– avait, ensuite, été étendu en 2013 aux retraités. Résultat: les pensions de retraite de source étrangères (hors fonction publique) se trouvent depuis exonérées d'impôts au Portugal.

À cela, il faut ajouter que la convention fiscale entre la France et le Portugal prévoit que les pensions de retraite sont imposables dans l'Etat de résidence du retraité. Si bien qu'au final, les ressortissants français bénéficient d'une sorte de "double non-imposition" qui, forcément, donne envie de venir y couler des jours heureux.

Sauf que, comme souvent avec les incitations fiscales, la médaille a un revers. Passé dix ans au Portugal, la non-imposition ne s'applique plus. Sans compter que, selon deux décisions du Conseil d'Etat datant de novembre 2015 (décisions n° 370054 et n° 371132), cette double exonération pourrait être remise en cause. Le Conseil d'Etat souhaitant que les ressortissants français ne soient certes pas imposés deux fois, mais pas deux fois exonérés non plus !

De quoi relativiser l'intérêt purement financier à acquérir un bien au Portugal, en dehors évidemment de toute considération quant à l'attrait du pays des Œillets.

Julie Cohen-Heurton