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Immobilier : « l'espoir de plus-value constitue un levier d’ascension sociale »

Emmanuel Macron a évoqué l'idée d'une réforme de la fiscalité des plus-values immobilières, lors d'un échange dans le cadre du Grand débat national.

Emmanuel Macron a évoqué l'idée d'une réforme de la fiscalité des plus-values immobilières, lors d'un échange dans le cadre du Grand débat national. - -

Pour éviter les effets d’aubaine dans les villes où les prix ont fortement augmenté, Emmanuel Macron a évoqué la piste d’une réforme de la fiscalité des plus-values immobilières. Henry Buzy-Cazaux, président fondateur de l'Institut du Management des Services Immobiliers, s’élève contre l’idée d’un alourdissement de la fiscalité de l’immobilier qui, selon lui, pénaliserait les propriétaires.

Dans le cadre du Grand débat national, Emmanuel Macron est apparu particulièrement réceptif à l’idée de mieux « réguler » certaines plus-values immobilières. Pourquoi cette intention provoque-t-elle votre colère ?

Henry Buzy-Cazaux : Emmanuel Macron a en effet été conduit à réagir à une idée émise lors d’un échange organisé dans le cadre du Grand débat sur la pertinence d’imposer la plus-value de cession des résidences principales. Rappelons qu’à ce jour ne sont imposées sur les plus-values que les ventes de logements locatifs, c’est à dire achetés pour être loués, et les résidences secondaires.

En clair, les logements occupés par leurs propriétaires font figures d’exception dans le paysage fiscal. En première approche, on peut comprendre que le chef de l’Etat souhaite un alignement, mais c’est une lecture hâtive. Aujourd’hui, celui qui achète sa résidence principale n’est en aucun cas dans une démarche de spéculation et il doit la valorisation de son bien à plusieurs causes.

Parmi ces causes, les travaux d’entretien et de rénovation comptent pour beaucoup. Certes, l’urbanisme ou encore l’aménagement du territoire sont des variables. L’exemple de Bordeaux, pris par Emmanuel Macron, est à cet égard pertinent : entre l’effet TGV et la transfiguration de la ville, les prix ont été multipliés par trois en moins de vingt ans. Peut-on dire pour autant que les propriétaires n’y sont pour rien ? En tant que contribuables, redevables de l’impôt sur le revenu – qui permet le développement des infrastructures – et de la taxe foncière comme de la taxe d’habitation, en tant que citoyens, ils ont pris leur part à cet élan. Ils ne peuvent payer subir la double peine.

Et puis il faut être clairs, dans des circonstances économiques structurellement difficiles pour les ménages, cet espoir de plus-value constitue un levier d’ascension sociale : comment voulez-vous qu’un ménage qui a besoin d’une pièce de plus parvienne à acheter en suivant l’évolution des prix sans cet apport, alors que son pouvoir d’achat par les revenus du travail n’aura pas cru ? Oui, je suis en colère que le chef de l’Etat ne prenne pas ces éléments en considération.

Faut-il vraiment, selon vous, revoir la manière de « réguler » les plus-values réalisées sur certains logements ?

On peut mettre plus d’équité ou d’intelligence dans le mécanisme de taxation des plus-values aujourd'hui, et le Grand débat aborde le sujet à bon droit. Par exemple, ne faut-il pas réduire la taxation pour quelqu'un qui réinvestit dans un logement locatif dont il s’engage à modérer le loyer pendant plusieurs années ?

On pourrait aussi entendre que les plus-values les plus fortes, ramenées à la période de détention, fassent l’objet d’une taxation. En somme, pas de décision à l’emporte-pièce, mais une réflexion de fond.

Que penser également de la récente suggestion du think tank Terra Nova qui préconisait d’alourdir les droits de succession ?

La suggestion de Terra Nova est singulière : on sait que les Français veulent aujourd'hui accomplir deux gestes, préparer leur retraite en devenant propriétaires et protéger leurs enfants ou leurs proches en transmettant de la pierre, avec la solidité qui y est attachée.

Les droits de succession, progressifs selon la valeur consolidée des actifs transmis, sont aujourd’hui déjà très lourds. A tout le moins ne faut-il pas les alourdir. On pourrait même plutôt les alléger pour les héritages en ligne directe sur les quatre ou cinq cents premiers milliers d’euros.

Julie COHEN-HEURTON