Loi alimentation, de qui se moque-t-on ?

La loi votée par l’assemblée nationale ne comporte aucun dispositif précis pour ramener vers les agriculteurs les hausses de prix que vont supporter les consommateurs
Une chose est certaine avec la loi alimentation votée à l’assemblée nationale : les prix vont monter, les prix des produits de grandes marques dont on va modifier le seuil de prix de vente en dessous duquel les enseignes de grande distribution ne pourront pas descendre.
En modifiant ce que l’on appelle le « seuil de revente à perte » on va augmenter les prix en caisse et augmenter les marges des distributeurs (Carrefour, Casino, Leclerc, Auchan etc…) Le gouvernement l’admet et a même publié un chiffre : 1,7 milliard€ sur l’ensemble de l’année. Un chiffre qui semble faire consensus, même pour Michel Edouard Leclerc, qui conteste cette loi et qui a publié une étude économique indépendante chiffrant à 1,9 milliard€ la somme supplémentaire payée par les consommateurs sur une année pleine. Le chiffre peut sembler impressionnant, il ne représente toutefois qu’un faible pourcentage du panier moyen (+0,35% dit l’ANIA, l’association de l’industrie agroalimentaire). Mais ces deux milliards d’euros ne partiront ni dans la poche des industriels, ni dans les caisses des grands distributeurs, promet le gouvernement : ces deux milliards d’euros doivent «ruisseler » vers les agriculteurs et leur permettre d’investir, de moderniser leur production, d’accélérer leur marche vers le bio, l’agriculture raisonnée et une production mieux rémunérée.
Un marché de dupes
C’est là qu’il faut sérieusement se demander si on n’est pas en train de nous jouer une grande scène de théâtre : ACTE 1 on augmente les prix, ACTE 2 les distributeurs qui font une meilleure marge sur les produits de grande marque peuvent augmenter les prix d’achats pour les agriculteurs et leurs coopératives, ACTE 3 les agriculteurs récupèrent un revenu supplémentaire. Une pièce de théâtre qui ressemble à un marché de dupes parce que personne n’est en mesure de nous dire, après 18 mois de débats, comment concrètement on passe de l’ACTE 2 à l’ACTE 3. La loi est votée, mais elle ne comporte aucun dispositif précis qui permette de transférer le chiffre d’affaire supplémentaire de Danone ou Nestlé vers les exploitations du Larzac ou de la Mayenne. « Ces dispositifs feront l’objet d’ordonnances, c’est l’affaire de quelques jours » dit le ministère de l’agriculture. Tiens donc, ce qui n’a pas été mis au point en 18 mois de débat, le serait tout à coup par l’opération du Saint Esprit? Les petits agriculteurs commencent à se méfier et seront très vigilants sur cette question, ils n’ont absolument pas l’intention d’être les dindons passifs de cette vaste farce
Nicolas DOZE