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L'union Siemens/Alstom inquiète en Europe

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- - Thomas Samson / AFP

Les autorités de la Concurrence britannique, néerlandaise, belge et espagnole s'inquiètent du projet de fusion de Siemens et Alstom.

Le projet de fusion entre les deux géants du rail européen avait été annoncé en septembre 2017. Il est en train de fédérer l'Europe contre lui, et devient de plus en plus incertain. Coup sur coup ce sont les autorités de la Concurrence britannique, néerlandaise, belge et espagnole qui se sont exprimées. Les quatre gendarmes nationaux ont fait part de leurs craintes notamment sur la concurrence dans le train grande vitesse, et dans un geste assez rare, ont écrit ensemble une lettre adressée à la Commission européenne.

En début de semaine, la Commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager avait elle-même exprimé ses craintes quant aux effets de cette fusion, notamment dans le secteur des trains à grande vitesse. La Commission européenne s'inquiète de la position dominante que pourrait avoir Siemens/Alstom en Europe. Elle craint une hausse des prix sur les marchés et un coup de frein sur l'innovation. La Commission avait d'ailleurs ouvert une enquête approfondie sur cette union en juillet et avait, fin octobre, exprimé plus précisément ses inquiétudes, réclamant aux deux groupes des concessions pour effacer les craintes.

Une inquiétude partagée par les quatre gendarmes nationaux qui estiment que «la perte globale de concurrence provoquée par la fusion serait très importante», assurant «que les remèdes proposés par les deux groupes sont loin d'être suffisants pour répondre à toutes les préoccupations».

La fusion en danger

Les deux groupes avaient en effet proposé, le 12 décembre dernier, des concessions pour tenter d'obtenir l'aval de la Commission européenne. Les deux géants ont notamment proposé de vendre la majeure partie des activités de signalisation d'Alstom en Europe et de produits de matériels roulants, soit 4% du chiffre d'affaires de l'entité fusionnée. Siemens et Alstom ont également proposé de vendre l'une de leurs technologies de train à grande vitesse. Reste à savoir si ces propositions seront suffisantes pour convaincre la Commission européenne qui consulte désormais les clients et rivaux des deux compagnies sur ces propositions.

Pour les patrons d'Alstom et de Siemens, Henri Poupart-Lafarge et Joe Kaeser, l'objectif est ambitieux: créer un groupe capable de concurrencer le géant chinois CRRC. Cette fusion ferait naître un nouveau géant européen du rail, présent dans 60 pays avec un chiffre d'affaires annuel de 15,6 milliards d'euros. Le tandem franco-allemand brandit la menace représentée par le géant chinois qui pèse deux fois plus lourd que lui en termes de chiffre d'affaires (30 milliards d'euros). Mais aujourd'hui CRRC ne réalise encore que 9 % de ses ventes à l'étranger. La Commission de Bruxelles juge qu'il ne sera pas un concurrent sur le Vieux Continent à un horizon prévisible. A l'inverse, si Alstom et Siemens ne détiennent à eux deux que 16 % du marché mondial, leur écrasante domination en Europe réduirait la concurrence, ferait grimper les prix et freinerait l'innovation, plaide-t-elle. D'autant que ces deux entreprises sont florissantes et peuvent se développer seules.

Ce projet de mariage franco-allemand n'est vraiment soutenu que par Paris et Berlin. A ce stade de la procédure, les dés semblent jetés. Les concessions ont été écrites noir sur blanc et il ne semble plus possible de les modifier. C'est donc le projet industriel qui est maintenant totalement entre les mains de la commission européenne avec de sérieux risques d'échec. Les deux entreprises sont aujourd'hui solides, mais le coup serait très rude. En leur temps, Schneider Electric et Legrand avaient connu de sérieuses turbulences après un refus comparable en 2001-2002. C'était alors l'époque de la concurrence avant tout. La commission peut elle maintenant laisser plus de marge pour la naissance de véritables champions industriels européens? Bruxelles a jusqu'au 18 février pour se prononcer.

Sandrine Serais