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Accord UE/Mercosur : la France ne ratifiera pas en l’état

Des agriculteurs manifestent à Clermont-Ferrand contre l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur.

Des agriculteurs manifestent à Clermont-Ferrand contre l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur. - Thierry Zoccolan / AFP

L’accord de libre-échange signé entre l’Union européenne et des pays d’Amérique du Sud cristallise de nombreuses critiques, notamment du côté des agriculteurs français.

Le gouvernement n’entend visiblement pas ouvrir un nouveau front de protestation. Très contesté, le compromis d’accord signé vendredi entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), qui doit désormais être ratifié par les pays membres de l’UE ne le sera pas en état en France.

L’annonce a été faite ce mardi matin par le gouvernement. « La France pour l'instant n'est pas prête à ratifier » l'accord a indiqué la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, indiquant que Paris allait « regarder dans le détail et en fonction de ce détail décider ».

Comme lors des négociations dans le cadre de l'accord de libre-échange Ceta entre l'UE et le Canada, la France demandera « des garanties » aux pays du Mercosur a-t-elle assuré sur BFMTV et RMC.

L’accord cristallise en effet de nombreuses critiques, notamment du côté des agriculteurs français. Il prévoit notamment l’importation par l’UE de 99 tonnes de viande bovine taxées à 7,5%, de 180.000 tonnes de sucre et de plus de 100.000 tonnes de volailles. Les pays de l’UE pourront en échange exporter vins, chocolats, spiritueux, biscuits, boissons gazeuses, olives… sans droits de douanes tandis que les quotas sur les fromages et les produits laitiers seront élargis. Il devrait toucher 770 millions de consommateurs.

Les agriculteurs français craignent notamment une inondation du marché par les produits du Mercosur, et dénoncent la concurrence déloyale avec les normes environnementales européennes. Face à ces craintes, « nous avons demandé une clause de sauvegarde » qui « permet de décider de stopper net les importations dans les filières fragiles s'il y a une destabilisation manifeste de ces filières », a fait valoir Sibeth Ndiaye.

L’accord concentre également les critiques de l’opposition et même dans la majorité. A cause de son contenu mais aussi parce qu’il a été signé de manière quelque peu précipitée. « Une Commission (européenne) sortante (qui) se permet dans les dernières heures de sa présidence de signer un traité alors qu'une nouvelle Commission doit être nommée ». « Ce n'est pas tolérable que les choses puissent se passer comme ça », a estimé Aurore Berger, porte-parole de LREM sur RFI.

Pour sa part, Jean-Baptiste Moreau, député LREM agriculteur de profession, dit dans Le Monde « contest(er) le fait d'importer les produits issus d'une agriculture parmi les plus nocives au monde, avec celle des Etats-Unis » et de dénoncer le fait que le Brésil de Jair Bolsonaro « a réautorisé chez lui plus de 250 substances interdites en Europe, car excessivement dangereuses ».

Vingt ans de négociations auront été nécessaires pour boucler cet accord. Mais le dossier est loin d’être clos. Le compromis va d'abord être traduit en véritable texte juridique, ce qui prendra plusieurs mois, avant d'être soumis à l'approbation des Etats membres dans le cadre du Conseil de l'UE, l'institution qui les représente. L'usage veut que l'unanimité soit nécessaire. En l’état donc, la France ne signera pas.

L'UE pourra alors le signer officiellement, avant un vote du Parlement européen qui entraînera son entrée en vigueur provisoire.

Le texte devra alors être approuvé dans chaque Etat membre, ce qui signifie qu'il passera dans la plupart des cas devant les parlements nationaux, avec débats politiques à la clé. Et si on peut s’attendre à de nombreux blocages du côté des pays de l’UE, en Amérique du Sud, l’accord ne fait pas non plus l’unanimité, notamment en Argentine où l’opposition a déjà fait savoir qu’elle ne ratifiera pas non plus le texte.

Olivier CHICHEPORTICHE