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Ali Baba et Jack Ma: l'Empire contre attaque

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- - JORGE SILVA / POOL / AFP

Jack Ma, le fondateur d'Ali Baba, va rester encore un an à la tête du groupe, épilogue d'une série de déclarations contradictoires ces dernières 48 heures

"Aucune entreprise ne peut dépendre entièrement de ses fondateurs, je suis bien placé pour le savoir. Nul ne peut éternellement exercer les responsabilités de président et de directeur général" explique Jack Ma dans une lettre adressée à ses clients, à ses salariés et à ses actionnaires, lettre accompagnée d'un communiqué dans lequel il est précisé que Jack Ma "poursuivra ses fonctions de président exécutif du groupe pendant les 12 prochains mois afin d'assurer une transition en douceur". Il quittera la présidence le 10 septembre 2019, date qui coïncidera avec les 20 ans du groupe

Epilogue d'une série de déclarations contradictoires ces dernières 48 heures, depuis vendredi et la publication de ce que le New York Times présente comme une interview au cours de laquelle Jack Ma affirmait préparer son retrait imminent et le présentait non pas comme « la fin d’une ère, mais le début d’une nouvelle ère », affirmant qu’il resterait au conseil exécutif (board of directors) et continuerait à « superviser le management de la compagnie ».

Fidèle relais du pouvoir

Pourquoi ces hésitations? L’annonce du départ de Jack Ma a-t-elle été précipitée? mal coordonnée avec les plans du pouvoir, d'où la nécessité de la corriger ? 

Car Jack Ma est très clairement depuis plusieurs années un fidèle relais du pouvoir communiste. A la tête aujourd’hui d’une fortune estimée à 40 milliards de dollars, il a échappé aux purges régulières qui frappent les « tycoon » chinois, le plus emblématique étant sans doute le patron de l’assureur de taille mondiale AnBang, marié à la petite fille de l’ancien dirigeant chinois Deng Xiaoping, considéré comme intouchable et tout à coup jeté à terre; même sort pour le groupe immobilier Wanda, quasiment démantelé, les groupes Fosun (propriétaire du Club Med), ou HNA étant eux rappelés à la sagesse. Le 25 septembre dernier, le gouvernement chinois publiait le premier texte reconnaissant officiellement le rôle des entrepreneurs et définissant leur place au sein de la République populaire de Chine. Le document célèbre le rôle de l’entrepreneuriat, de l’innovation, mais souligne au titre des devoirs de l’entrepreneur chinois, qu’il doit être « patriote et servir les intérêts du peuple », après quelques erreurs de jeunesse, Jack Ma ne l’a jamais oublié

Un tournant pour Ali Baba ?

Ali Baba, l’empire Internet est-il à un tournant ? Le renouvellement de l’état-major pourrait le laisser penser. Le groupe est un mastodonte de 420mds$ de valorisation boursière, les chiffres des ventes géantes qu’il organise régulièrement donnent le vertige, ses plateformes d'e-commerce Taobao et TMall contrôlent 60% du marché chinois mais ils ne sont finalement qu’à l’échelle du pays-continent sur lequel il opère. Ce que Jack Ma avait théorisé à ses débuts d’ailleurs face à son premier adversaire en Chine, le groupe Ebay : "eBay a beau être un requin dans l'océan, nous sommes un crocodile dans le Yangtsé. Si nous nous affrontons dans l'océan, nous perdrons. Si c'est dans le fleuve, nous vaincrons". D’autres crocodiles nagent aujourd’hui dans le Yangtsé, et le groupe JD.Com, numéro 2 derrière Ali Baba, multiplie les annonces d’investissements de plusieurs milliards de dollars pour accélérer dans l’automatisation, les drones, la robotique et doper la productivité de ses activités. Un groupe fragilisé d’ailleurs depuis que son patron, interpellé brièvement aux Etats Unis est sous le coup d’une enquête pour « comportement sexuel inapproprié ».

Ali Baba pourrait avoir envie de muscler ses ambitions internationales, appuyé notamment sur une de ses armes les plus redoutables : le système de paiement digital Ali Pay, très largement utilisé aujourd’hui en Chine et qui se développe à l’international justement dans les pas des touristes chinois. Avec une devise inconvertible, ces touristes n’ont pas accès aux systèmes de paiements occidentaux, Ali Pay (intégré par exemple récemment par Ingenico, le géant français des terminaux de paiement) leur permet de se déplacer sans emporter des liasses de Dollars ou d’Euros

Des ambitions mondiales

"Les 18 fondateurs d'Alibaba sont déterminés à créer un groupe mondial d'origine chinoise avec l'espoir qu'il deviendra l'une des dix premières entreprises internet au monde, qui existerait pour 102 ans" écrivaient–ils il y a plus de dix ans à leurs salariés. Si l’on en croit le New-York Times Jack Ma veut se consacrer maintenant à l’éducation, lui l’ancien professeur d’anglais, dont on raconte comme un conte de fée l’aventure lancée dans un petit appartement de Hangzhou (est de la Chine) avec quelques dizaines de milliers de dollars empruntés à des amis. Tout cela n’est sans doute pas incompatible, c’est affaire de circonstances, d’opportunités business, autant que politiques

La rédaction avec AFP