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BCE: Christine Lagarde est désormais attendue au tournant

Près de trois mois après son entrée en fonction, la nouvelle présidente de la banque centrale européenne va devoir préciser les contours de sa stratégie pour l'année, alors que les taux bas continuent de faire polémique.

Sans toucher à sa politique monétaire, la Banque centrale européenne devrait livrer jeudi des indices sur la remise à plat de sa stratégie, grand chantier de l'année, et atténuer son pessimisme sur les risques économiques.

En bientôt trois mois à la tête de l'institution, Christine Lagarde, appréciée pour sa gestion collégiale et son abord chaleureux, "devrait profiter de sa lune de miel sans avoir à se soucier des décisions politiques immédiates", estime Andrew Kenningham, économiste chez Capital Economics.

En d'autres termes, les gardiens de l'euro ne devraient rien changer au paquet de mesures imposées en septembre par Mario Draghi en fin de mandat, au prix de divisions internes sans précédent.

Objectif symétrique

Si Mme Lagarde s'est efforcée de ressouder le conseil de 25 membres, de surcroît renouvelé en partie, elle est attendue sur le fond: préciser les contours de sa revue stratégique de politique monétaire promise cette année. L'exercice n'a pas été mené depuis 2003, et vient après huit ans d'un mandat de Mario Draghi scandé par les crises.

La partie "la plus importante" du réexamen "portera sur la définition de la stabilité des prix et de la manière de l'atteindre", est convaincu Carsten Brzeski, économiste chez ING. 

Cette stabilité se définit depuis 2003 par un objectif d'inflation "proche mais inférieur à 2%", derrière lequel la BCE court depuis sept ans et qu'elle pourrait reformuler en introduisant l'idée de "symétrie".

L'inflation pourrait ainsi dévier d'un côté comme de l'autre autour d'un pivot à 2%, sans que cela pousse l'institution à ajuster immédiatement sa politique.

De quoi "rester tranquille" pour laisser les taux d'intérêt plus longtemps à leur plancher historique, estime M.Brzeski.

Cette clarification serait en outre "utile pour limiter les désaccords au sein du conseil des gouverneurs", ajoute Alain Durré, économiste en chef chez Goldman Sachs.

Comme Mme Lagarde a promis de "retourner chaque pierre" en consultant large toute l'année, la réflexion stratégique devrait également inclure une conduite plus collégiale de la politique monétaire, les effets secondaires causés par des outils exceptionnels comme le taux négatif et, point nouveau, la prise en compte des enjeux climatiques.

Analyse des risques

Il s'agirait par exemple de "verdir" les rachats d'obligations publiques et privées, le fameux "QE" par lequel la BCE a engagé plus de 2.600 milliards d'euros depuis 2015 pour soutenir l'économie, en l'orientant vers des titres respectant des critères environnementaux.

La Française sera également scrutée sur son évaluation des risques économiques, qu'elle avait jugés en décembre légèrement moins prégnants. Sur ce sujet, tout glissement sémantique pourrait faire réagir les marchés.

Aussi, Mme Lagarde devra peser ses mots après la nouvelle menace de Washington mercredi de surtaxer les voitures européennes si les Européens n'abandonnent pas leurs projets de taxe numérique, ou ne signent pas un accord commercial avec les Etats-Unis.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a répliqué qu'un tel accord devrait être possible "dans quelques semaines", à l'image de la trêve sino-américaine.

Maintien des taux

Les risques conjoncturels semblent eux s'atténuer, la récession dans le secteur manufacturier en zone euro paraissant toucher un plancher tandis que l'inflation est remontée à 1,3% en décembre. 

Attendue face à la presse à 13H30 GMT, la patronne de la BCE devrait donc livrer une "évaluation plus optimiste du risque pesant sur la croissance", sans annoncer de "tournant vers une politique plus stricte", résume M.Durré.

Sauf cataclysme, la BCE va par conséquent maintenir son taux sur les dépôts à -0,50%, ce qui revient à taxer les banques sur les fonds qu'elles confient à la banque centrale au lieu de les prêter.

Ce taux de dépôt pourrait être porté dès mars à -0,60%, pronostique Ludovic Subran, chef économiste d'Allianz, même si les marchés n'anticipent de leur côté "aucun mouvement en 2020", souligne Frank Dixmier, directeur des gestions obligataires de AllianzGI.

TL, avec l'AFP