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Boris Johnson et Donald Trump : faux jumeaux, vrais rivaux

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- - JACK HILL / POOL / AFP

Le nouveau Premier ministre britannique espère beaucoup d’un accord commercial ambitieux avec les Etats-Unis. Ce serait oublier que Donald Trump n’a pas l’intention de lui faire des cadeaux…

Le voici en ordre de marche. Nommé Premier ministre du Royaume-Uni, Boris Johnson a présenté son gouvernement de combat ce jeudi avec un premier objectif : le Brexit. La tâche n’est pas aisée même pour « Bojo », l’optimiste qui a tant vanté les bénéfices d’une sortie lors de la campagne du référendum. Il sera confronté aux mêmes problématiques que Theresa May, à l’exception notable qu’il n’est guère apprécié à Bruxelles où ses chroniques acerbes, publiées dans le Telegraph, bourdonnent encore dans les oreilles des commissaires européens.

Mais Johnson sortira bien le pays le 31 octobre, avec ou sans accord avec les Européens. Il l'a encore martelé lors de sa première rencontre avec les députés britanniques. S’il maintient cette ligne, la seconde option -celle du « no deal »- reste la plus probable, avec les dégâts économiques qui risquent de s’ensuivre.

Pas de quoi effrayer le nouvel homme fort du Royaume-Uni qui assuré que la préparation du « no deal » était désormais sa « priorité ». Pourtant, depuis des mois, les alertes se multiplient. Le « no deal » plongerait le Royaume-Uni dans une récession, assurait encore en début de semaine, l’Office for Budget Responsability.

Le « Trump britannique »

Face à ce constat, Boris Johnson ressort la carte de l'accord commercial avec les Etats-Unis. Londres a toujours tenu à ses liens forts avec l’ancienne colonie, l’engagement en Irak de Tony Blair aux côté de George W. Bush étant le point d’orgue de cette amitié. Mais l’arrivée au pouvoir de Donald Trump a franchement refroidi les relations. La fin de règne de Theresa May a même été émaillée par des escarmouches entre les deux leaders.

L’arrivée de Boris Johnson, surnommé le « Trump britannique » par le président américain, va-t-elle changer la donne ? « Félicitations à Boris Johnson pour être devenu le nouveau Premier ministre du Royaume-Uni. Il sera formidable » a tweeté Trump lors de l’investiture de Johnson.

Sur la photo, les deux ont tout pour s’entendre. Ils partagent évidemment une inoxydable tignasse blonde, savamment coiffée pour Trump, religieusement ébouriffée pour Johnson. Ils manient aussi avec talent l’art de la provocation voire du mensonge. Leurs frasques conjugales ne sont un secret pour personne et ils ont sont même nés tous les deux dans la même ville : New York.

La ressemblance s’arrête là. Johnson, arrière-petit fils du dernier ministre de l'intérieur de l’empire ottoman, parle parfaitement français et a enchaîné les universités de prestige britannique. Très lettré et professionnel de la politique, il n’a rien du statut de self-made-man dont se revendique Trump.

D’ailleurs, ils ne se sont pas toujours envoyés des amabilités. En décembre 2015, Johnson jugeait Trump « inapte » à devenir président, critiquant son « ignorance totalement stupéfiante. » Mais l’eau a coulé et l’heure est au rapprochement entre les deux hommes.

Les victimes de Trump

Mais cette nouvelle idylle suffira-t-il à réaliser ce fameux accord commercial ?Rien n’est moins sûr. D’autres ont essayé d’amadouer le président américain qui aime souffler le chaud et le froid sur les relations internationales. Emmanuel Macron l’a appris à ses dépens après la cérémonie de l’armistice, en novembre dernier. A peine grimpé dans l’avion du retour, Donald Trump avait lancé une salve de tweets assassins qui avaient nettement refroidi les relations, pourtant si chaleureuses lors sa première visite en France.

Dernière victime en date : le Premier ministre japonais Shinzo Abe, qui espérait trouver un accord intéressant avec les Etats-Unis. Entre deux parties de golf amicales, Trump a finalement tancé l’automobile japonaise et réclamé un rééquilibrage de de la balance commerciale entre les deux pays. Pour l’amitié, on repassera…

Et c’est finalement le risque majeur pour Johnson de placer l’avenir commercial de son pays sur le bon-vouloir de Trump, qui use toujours du rapport de force pour gagner. Malgré toutes les flatteries, le président américain ne fera pas de cadeaux et sait très bien qu’il a l’avantage sur ce dossier. Interrogé par CNN, le père de Boris Johnson a d’ailleurs donné un petit conseil à son fils : « ne pas être trop complaisant avec les Américains ».

Un accord commercial entraînerait, de toute façon, des concessions de Londres, notamment du côté de la géopolitique. Pour le moment, le Royaume-Uni traîne des pieds sur le dossier Huawei, refusant encore de boycotter officiellement le géant chinois comme l’a décidé Donald Trump. De la même façon, Washington cherche à renforcer le front contre l’Iran alors que Londres espère encore, comme les Européens, sauver l’accord sur le nucléaire. 

Dernier obstacle à franchir : le temps. Un accord commercial prend des années à se dessiner. Pas sûr que les deux hommes forts concernés soient encore aux manettes de leur pays respectif si ce deal voit réellement le jour.

Donald Trump peut espérer une réélection mais avec un Congrès potentiellement hostile. Quant à Boris Johnson, il devra lutter avec sa majorité dans les mois à venir et la pérennité de son gouvernement est loin d'être assurée. Rien ne sera simple pour les Britanniques.

Thomas LEROY