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Boycott : Huawei clame son innocence, risque de flambée des coûts pour les opérateurs ?

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Les décisions de boycott contre le géant chinois des télécoms se multiplient, mais pour de nombreux opérateurs, se passer du chinois aura des conséquences sur leurs finances.

Confronté à une vague de méfiance voire de défiance aux quatre coins du monde, Huawei tente à nouveau de convaincre que les accusations portées contre lui sont sans fondement.

Huawei s’est donc attaché à démontrer une nouvelle fois son innocence lors d’une grande conférence de presse à Shenzen. « Il n'y a aucune preuve que Huawei menace la sécurité nationale de quelque pays que ce soit », a martelé Ken Hu, le président du numéro un mondial des équipements télécoms, selon l'AFP. Selon lui, Pékin n'a jamais demandé au groupe d'accéder à certaines données.

Huawei a même décidé d'ouvrir ses labos de recherche aux journalistes. « Interdire une entreprise en particulier ne peut résoudre les problèmes de cybersécurité », a jugé Ken Hu.

Si le géant chinois est bien connu pour ses smartphones (il est le numéro deux mondial du marché), c’est aussi un acteur incontournable des équipements réseau. Les opérateurs font ainsi appel à lui pour déployer dans les territoires la 4G et la future 5G. C’est le leader de ce secteur, il fournit des dizaines d’opérateurs dans le monde, la qualité de ses infrastructures sont reconnues.

Le moins cher du marché

Mais depuis un bon moment déjà, les Etats-Unis accusent l’équipementier de faire office d’espion pour l’Etat chinois à travers des « portes dérobées » dans ses équipements. Les USA sont ainsi les premiers à boycotter Huawei. Un boycott qui a fait tâche d’huile : Australie, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni ont suivi. Sans oublier l’arrestation retentissante de sa numéro deux et fille du fondateur du groupe, arrêtée au Canada, à la demande des États-Unis, avant d'être libérée sous caution.

La République Tchèque a également émis des réserves. « Les lois chinoises imposent notamment aux sociétés privées résidant en Chine de coopérer avec les services de renseignement. Par conséquent, leur introduction dans les systèmes étatiques clés pourrait constituer une menace » a déclaré le directeur du NCISA, l’agence de sécurité du pays, Dušan Navrátil.

« Il n'y a aucune loi ou réglementation en Chine qui oblige Huawei, ou toute autre société, à installer des portes dérobées obligatoires. Huawei n'a jamais reçu une telle demande d'aucun gouvernement et nous ne l'accepterions jamais. », répond l’équipementier.

En France, on réfléchirait également sérieusement à une mise à l’écart au niveau national et Orange vient d’indiquer qu’il se passerait du fournisseur pour son futur réseau 5G. « Nous n’avons pas prévu de faire appel à Huawei dans la 5G. Nous travaillons avec nos partenaires traditionnels que sont Ericsson et Nokia, » a déclaré Stéphane Richard, patron d’Orange. Reste que l’opérateur historique travaille très peu avec le chinois pour ses réseaux en France, à la différence de ses concurrents…

« Nous ne boycotterons pas Huawei mais nous sommes à l’écoute du gouvernement. Nous tenons à une concurrence réelle dans ce secteur, pour apporter la meilleure technologie au client », indiquait récemment Didier Casas sur BFM Business, directeur général de Bouygues Telecom.

Où sont les preuves ?

Manière de dire que Huawei a toute sa place sur le marché face aux européens Ericsson et Nokia. D’autant plus que l’équipementier est historiquement moins cher que ses concurrents (20% en moyenne) et dans une période de revenus stables et d’investissements colossaux, c’est un argument qui compte…

Un boycott de Huawei en France n’arrangerait donc pas les affaires de Bouygues Telecom, Free Mobile et SFR tous engagés dans des déploiements 4G et 5G et très sensibles à la question du prix des équipements. Et la plupart ont déjà signé avec Huawei pour la 5G. Que se passerait-il si un boycott au niveau national était décidé ? Il faudrait alors repartir de zéro...

En Allemagne également, on s’interroge. « Deutsche Telekom [l’opérateur historique allemand, NDLR] prend très au sérieux le débat mondial sur la sécurité des équipements de réseau des fournisseurs chinois », explique la société.

Un boycott de ZTE poserait également problème

Reste que pour le moment, ni l’Allemagne, ni la France n’ont interdit à la firme chinoise de fournir des équipements 5G sur leur sol. L’office fédéral de la sécurité des technologies de l’information allemand (le BSI) a même récemment indiqué dans le Spiegel que faute de preuves, il n’y avait pas de raison d’écarter Huawei. Car en effet, jamais aucune preuve d’espionnage d’Etat n’a été produite par qui que ce soit.

Et l’équipementier est fier de préciser qu’il a signé à ce jour 25 contrats pour la 5G, consolidant ainsi sa place de leader mondial. Traduction : les accusations américaines ne portent pas. Son chiffre d’affaires devrait cette année progresser de près de 9% à plus de 100 milliards de dollars. Bref, pour le moment, la situation est loin d’être critique pour le fournisseur.

Si Huawei est dans l'oeil du cyclone, il ne faut pas non plus oublier son confrère ZTE. L'équipementier, jugé proche de l'armée chinoise, a également été boycotté aux Etats-Unis avant que Donald Trump ne revienne sur sa décision.

Mais le groupe est également soupçonné d'espionnage. Mais là encore, un boycott aurait des conséquences fâcheuses pour les opérateurs européens et français, ZTE étant un fournisseur important d'infrastructures pour les réseaux de fibre optique.

Alors que les déploiements doivent accélérer, se passer de ZTE pourrait ainsi provoquer d'importants retards dans le calendrier (objectif : au moins 80% de couverture en fibre en 2022 en France).

Olivier CHICHEPORTICHE