BFM Business
International

Brésil : Comment Jair Bolsonaro compte convaincre le secteur économique

-

- - AFP

Jair Bolsonaro, candidat de l’extrême-droite à la présidence du Brésil, est passé à quelques points d’une élection dès le premier tour.

La gauche compte invoqué la sauvegarde de la démocratie en péril. Cela risque fort de ne pas suffire, parce que dans l’objectif de négocier un maintien au gouvernement, une partie de la droite pourrait bien appeler à fournir l’appoint électoral pour cet ancien capitaine d’artillerie, député depuis 1991, nostalgique tout à fait assumé de la junte militaire aux commandes du pays de 1964 à 1985. Jair Bolsonaro promet une dureté sans pitié contre le crime et la libéralisation du port d’arme pour les honnêtes gens. L’an dernier, il y a eu près de 64 000 homicides au Brésil, soit 12 fois plus que dans l’ensemble de l’Union européenne (2 fois ½ plus peuplée).

Mais, cette nuit, Jair Bolsonaro a préféré orienter son discours vers le programme économique qu’il entend appliquer une fois au pouvoir : sabrer dans la taille de l’exécutif, couper dans les cotisations sociales, privatiser les grandes entreprises publiques rentables, fermer celles en perte... Un éditorialiste d’O Globo, puissant titre populaire de Rio de Janeiro, a écrit que Jair Bolsonaro a « captivé les cœurs et les esprits de 49 millions de Brésiliens (…) d’un pays empêtré dans une crise économique violente avec 12,7 millions de chômeurs ».

Rassurer d’ici au 28 octobre

Durant les trois semaines à venir, lui et son entourage vont s’employer à rallier les chefs de file de l’agro-industrie – le secteur clé de l’économie exportatrice brésilienne. Le candidat de la droite radicale a encore à convaincre que, sous son mandat, une exacerbation des antagonismes politiques et sociaux n’entraînerait pas une paralysie économique, qui jetterait alors le doute sur la viabilité de la dette brésilienne. Elle pèse près de 10 % des indices de marché internationaux sur les économies émergentes.

Le capitaine Bolsonaro, qui admet volontiers ne rien connaitre à l’économie, dit s’en remettre à Paulo Guedes, économiste et banquier, issu de l’école de Chicago, courant majeur de la pensée libérale de l’Amérique latine des années 1970 et 1980, en particulier au Chili sous le général Augusto Pinochet. Promis à des fonctions de « super-ministre », son cheval de bataille est celui d’abattre ce qu’il nomme « l’Etat dysfonctionnel » qui, à force de centraliser les ressources, a gangrené la vie politique et laminé l’initiative économique.

Comment passer aux actes ?

Paulo Guedes estime qu’une classe moyenne oubliée, malmenée dans ses valeurs de travail et d’ordre, est prête à soutenir une profonde remise en cause des mécanismes de protection sociale. Il considère la sécurité sociale comme condamnée à la faillite. Et sur ce point, il trouve un écho favorable à l’étranger auprès d’analystes de marché qui perçoivent le niveau des cotisations et l’augmentation des dépenses de retraites comme un immense frein aux investissements requis dans les infrastructures.

Cependant, avec les fonds qui seraient ainsi dégagés, avec l’argent des privatisations également, Paulo Guedes veut d’abord que l’Etat rachète massivement de la dette publique afin de l’effacer. L’échafaudage théorique devra passer l’épreuve de la réalité brésilienne… C’est le conseiller économique d’un candidat de la droite classique, balayé au premier tour, qui met chacun en garde : le pays a affaire à « un prédicateur (…) qui n’a aucune idée des difficultés à venir ».