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Brexit : Boris Johnson s’agrippe à son siège éjectable

Boris Johnson.

Boris Johnson. - RUI VIEIRA / POOL / AP / AFP

Le Premier ministre britannique voit des alliances contre lui se former de tous les côtés. Lui espère tenir jusqu’au 31 octobre en profitant des règles constitutionnelles floues du Royaume-Uni.

Le compte à rebours est lancé. Dans 74 jours, le Royaume-Uni sortira de l’Europe, « coûte que coûte » affirme Boris Johnson. C’est du moins son souhait et son objectif. Le problème, c’est que les opposants à une sortie sans accord s’organisent pour empêcher cette issue. Y compris dans son propre camp.

En début de semaine, l’offensive est venue de Dominic Grieve, ex-procureur général dans le gouvernement de David Cameron. Ce Tory « rebelle » propose ainsi de renverser Boris Johnson, en s’alliant avec les Travaillistes, pour une motion de censure commune. L’idée serait même de constituer un « gouvernement d’union nationale ». Pour le moment, le Labour reste prudent sur cette idée. Une autre alliance naissante pourrait aussi unir les Travaillistes aux indépendantistes écossais… Là encore, rien n’est acté.

Reste que la possibilité d’une motion de censure augmente de jour en jour pour le Premier ministre qui n’a, en pratique, pas de majorité, tant les opposants dans son propre camp sont nombreux. Dominic Grieve estime d’ailleurs que de nouvelles élections ne seraient pas nécessaires pour mettre en place son « gouvernement d’union nationale. »

Guerre d'interprétations 

Réponse de Boris Johnson ? S’accrocher à son maroquin ! Son principal conseiller, Dominic Cummings a ainsi signifié aux députés conservateurs que le chef du gouvernement ne partirait pas du 10 Downing Street, même en cas de vote de défiance. « Ce serait trop tard » a-t-il affirmé en substance, soulignant que cette motion entraînerait bien de nouvelles élections, mais que Johnson continuerait à diriger le gouvernement en attendant.

Mais si Boris Johnson reste en place jusqu’au scrutin législatif, il aura alors tout le loisir d’acter le Brexit au 31 octobre. Or, éviter le « no deal » étant justement le but de la motion, cette possibilité a provoqué une grande polémique au Royaume-Uni. En effet, les règles constitutionnelles britanniques ne reposent pas sur un texte précis mais sur un ensemble d’anciennes règles coutumières, sujettes à interprétation. De quoi rajouter un peu plus de pagaille puisqu’aucune loi n’exige formellement le départ d'un gouvernement renversé, bien qu'il s'agisse d'une convention.

Pour autant, l'ancien ministre conservateur des Affaires étrangères, Sir Malcolm Rifkind, a prévenu que le maintien de Boris Johnson provoquerait « la pire crise institutionnelle » du pays. « Je suis persuadé que le Premier ministre ignorera l'avis de Dominic Cummings » espère-t-il dans une tribune du Times. Jonathan Sumption, un ancien juge de la Cour suprême pense l’inverse. Une chose est sûre, ce serait une première historique.

Faire tourner la montre

Reste à savoir quand le vote de confiance aura lieu. Probablement en septembre, à l’initiative des Travaillistes. Les députés font leur rentrée le 3 septembre et devront agir vite. Si une motion est votée, le gouvernement dispose de 14 jours pour tenter d’inverser la tendance par un nouveau vote.

Autrement, de nouvelles élections doivent être engagées. Quand ? Bonne question. Une motion de défiance n’est plus passée depuis 1979. A l’époque, il avait fallu attendre un peu plus d’un mois pour que le Travailliste James Callaghan cède sa place à Margaret Thatcher. Dans le contexte actuel, Boris Johnson fera tout pour ralentir la procédure… Et le gouvernement de "BoJo", devenu intérimaire, aura-t-il le pouvoir de prendre une décision aussi importante que le Brexit ? Nouvelle interrogation.

Une solution ultime, dont personne ne veut réellement, se trouve à Buckingham Palace. A 93 ans, la reine Élisabeth II pourrait bien être obligée de sortir de sa réserve car c’est elle qui, en théorie, nomme les nouveaux gouvernements. Au point où en sont les Britanniques, ce ne serait qu’une incongruité de plus…

Thomas LEROY