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Brexit: deux ans après le vote, comment se porte l'économie britannique?

Alors que le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ne sera effectif que dans neuf mois, l'économie britannique a déjà senti les premières secousses du Brexit ces deux dernières années.

Deux ans jour pour jour après le référendum, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté samedi à Londres pour réclamer un vote sur les conditions finales du divorce entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne, actuellement négociées à Bruxelles. Au total, 48% des Britanniques seraient favorables à ce nouveau référendum, selon un sondage Survation.

Cette manifestation témoigne du sentiment d’inquiétude qui règne outre-Manche compte tenu du climat d’incertitude qui entoure les discussions à Bruxelles et des récentes observations sur la santé de l’économie britannique. Il faut dire que le vote du 23 juin 2016 a jeté un sérieux coup de froid sur le royaume qui pâtit des premiers effets du Brexit, et ce avant même sa sortie effective de l’UE fixée au 29 mars 2019.

L’impact du référendum n’a toutefois pas été aussi brutal que ce que prédisaient certains observateurs au lendemain des résultats: "On s’est trompé de diagnostic. Le Brexit, ce n’est pas un infarctus ou un AVC, c’est un cancer", observe Emmanuel Lechypre, éditorialiste sur BFM Business. 

Chute de la livre sterling et poussée inflationniste

Loin de s’être effondrée subitement, l’économie britannique semble donc davantage glisser lentement vers le déclin. Les signaux sont passés peu à peu du vert à l’orange, voire au rouge. À commencer par le niveau de la livre sterling qui a chuté, pénalisé ces deux dernières années par les tensions politiques autour du Brexit. Résultat, l’immigration est en baisse (la valeur de la rémunération des immigrés ayant diminué) et le pays fait face à une pénurie de main d’œuvre qui impacte notamment les secteurs de la restauration, de l’agriculture et les hôpitaux.

En outre, la forte dépréciation de la livre a renchéri les importations et mécaniquement dopé l’inflation. Laquelle a atteint des sommets fin 2017 avec des prix à la consommation qui ont grimpé de 3% sur un an en septembre. Une première depuis 2012. Effet collatéral: le pouvoir d’achat des ménages britanniques s’est effrité en 2017, les salaires ayant augmenté moins vite.

Une croissance au ralenti

Mises bout à bout, les conséquences du Brexit ont déjà coûté 2 points de PIB au Royaume-Uni, soit une perte de 45 milliards d’euros en deux ans, selon la banque Natixis. Établie à 0,1% au premier trimestre 2018, en quasi-stagnation, "la croissance britannique est 2,1% plus faible au premier trimestre qu’elle ne l’aurait été si le maintien dans l’UE l’avait emporté", précise le Centre pour la réforme européenne, un think tank basé à Londres. En rythme annuel, la croissance n'a pas dépassé 1,2%, du jamais vu depuis six ans.

Le Royaume-Uni est aujourd’hui l’économie la plus lente du G7 et le ralentissement de sa croissance aurait coûté au Trésor 43 milliards de livres par an en emprunts publics supplémentaires, soit 440 millions de livres par semaine depuis la victoire du "Leave". De son côté, la Banque d’Angleterre estime que chaque foyer britannique a perdu environ 1000 euros depuis cette même date.

Perte d’attractivité

Dès lors, plusieurs entreprises ont fait part de leur intention de délocaliser leurs activités et certaines ont commencé à mettre leurs menaces à exécution. Au total, environ 5000 postes seraient susceptibles d’être transférés dans le secteur bancaire, dont un peu plus de 2200 à Paris, note La Tribune. La banque HSBC a notamment annoncé vouloir relocaliser 1000 emplois dans la capitale française. JP Morgan et Bank of America en prévoient de leur côté 200 chacune.

Plus récemment, Airbus a également menacé de quitter le Royaume-Uni, faute d’accord entre Londres et Bruxelles. Une annonce jugée "inconvenante" par Jeremy Hunt, ministre britannique de la Santé. Et pour cause, l’avionneur européen, qui pèse 9 milliards d’euros dans le total de l’activité britannique, dispose de 25 sites de production outre-Manche où il produit des ailes d’avions. Son départ pourrait mettre sur le carreau 15.000 employés et concerner indirectement 100.000 personnes si l’on prend en compte les 4000 fournisseurs qui travaillent dans le giron d’Airbus.

Alors que le Brexit n’est pas officiellement enclenché, Paris vient de passer devant Londres en termes d’attractivité, selon le dernier baromètre annuel EY. Une autre étude publiée par le cabinet d'avocats Baker & McKenzie indique que la moitié des entreprises européennes ont déjà réduit leur investissement au Royaume-Uni en raison du Brexit. De son côté, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, a estimé ce lundi que la zone euro devait se tenir prête à accueillir une "arrivée massive" de sociétés financières, toujours en raison du Brexit.

Optimisme autour des négociations?

Le début des discussions sur les conditions de sortie avec Bruxelles a laissé entrevoir une légère embellie outre-Manche. Ces derniers mois, la livre sterling a retrouvé de la vigueur. En avril, la monnaie britannique a ainsi atteint son plus haut niveau face au dollar depuis le vote pour la sortie de l’UE, avant un nouveau repli de 0,3% le mois dernier.

Les dernières observations sur le pouvoir d’achat ont également surpris. Ce dernier est reparti à la hausse en ce début d’année, ce qui n’était pas arrivé depuis mars 2017. Par ailleurs, l’inflation en mai a été plus modérée que prévu à 2,4%, soit son plus bas niveau depuis, là-encore, mars 2017. La banque Barclays estime ainsi que l’inflation n’est pas une "menace imminente pour l’économie britannique".

Paul Louis