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Brexit: François Hollande met Theresa May en garde

Le président français a assuré jeudi que les négociations seraient "dures" si le Royaume-Uni persistait à réclamer un "Brexit dur", c'est-à-dire avec un strict contrôle de l'immigration.

François Hollande l'a dit sans ambages à la première ministre britannique. Si Theresa May persiste à s'orienter vers un Brexit "dur", à savoir sans concession, les négociations avec l'union européenne vont elles aussi se durcir.

"Je l'ai dit très fermement: Madame Theresa May veut un Brexit dur, la négociation sera dure", a révélé le président français en arrivant ce jeudi à Bruxelles au premier sommet européen auquel la dirigeante conservatrice britannique assiste depuis que les Britanniques ont décidé le 23 juin de quitter l'Union européenne.

"Un nid de colombes"

À son arrivée, Theresa May a pour sa part tenté de rassurer ses partenaires européens, s'engageant à ce que Londres assume pleinement son rôle jusqu'au Brexit puis reste un "partenaire fiable". "Je suis ici avec un message très clair: le Royaume-Uni quitte l'UE mais nous allons continuer à jouer pleinement notre rôle jusqu'à ce que nous partions", a-t-elle assuré aux journalistes. 

"Et après notre départ, nous serons un partenaire fort et fiable", a promis la Première ministre britannique. "C'est dans l'intérêt aussi bien du Royaume-Uni que de l'UE de continuer à travailler étroitement ensemble", a-t-elle plaidé.

Comme elle, le président du conseil européen, Donald Tusk, s'est efforcé d'arrondir les angles, se disant "très heureux d'accueillir Theresa May aujourd'hui" dans la capitale européenne. "Certains médias décrivent son premier sommet comme une arrivée dans la fosse aux lions. Ce n'est pas vrai, c'est plutôt un nid de colombes", a-t-il ironisé. "Vous pouvez être sûrs qu'elle sera absolument saine et sauve et j'espère qu'elle réalisera que l'UE est la meilleure compagnie qu'on puisse avoir au monde", a ajouté le président du Conseil.

Contrôle de l'immigration

Donald Tusk a réitéré qu'il n'y aurait "pas de négociations" sur la sortie du Royaume-Uni avant l'activation par Londres de l'article 50 du traité de Lisbonne. Theresa May avait récemment indiqué que ce lancement officiel de la procédure de divorce avec l'Union interviendrait d'ici fin mars 2017.

Ce calendrier, ouvrant la voie à un départ effectif du Royaume-Uni de l'UE début 2019, a été salué par les dirigeants européens, qui poussent pour un divorce rapide depuis le résultat du référendum du 23 juin. 

Teresa May avait provoqué des froncements de sourcils auprès des 27 en insistant sur l'idée d'appliquer un contrôle de l'immigration des citoyens de l'UE, s'orientant ainsi vers un Brexit "dur", sans concession.

"Du sel et du vinaigre"

Pour les Européens, cette proposition va à l'encontre du principe de libre circulation et s'avère incompatible avec un accès sans condition au marché unique. "La vérité brutale est que le Brexit sera une perte pour nous tous. Il n'y aura pas de gâteau sur la table, seulement du sel et du vinaigre", a averti Donald Tusk.

Selon une source proche de Downing Street, Theresa May est pourtant prête à mettre de l'eau dans son vin et à demander aux 27 de l'aider pour négocier une séparation qui soit la moins douloureuse possible. La dirigeante, qui n'avait pas été invitée au dernier sommet de l'UE à Bratislava en septembre, devrait profiter de l'occasion pour sonder des alliés potentiels.

La dirigeante conservatrice s'est déjà rendue en France, en Allemagne, au Danemark, aux Pays-Bas et en Espagne. A Bruxelles, elle aura des apartés avec les dirigeants de l'Estonie et de la Roumanie. "Le Royaume-Uni est impatient de savoir ce que d'autres États membres sont prêts à accepter dans les négociations sur le Brexit", note Iain Begg, professeur de sciences politiques à la London School of Economics.

Une "libre circulation des cerveaux"?

Preuve de la complexité des négociations à venir, Theresa May a indiqué mercredi devant le Parlement que les négociations allaient durer "deux ans, ou plus", n'excluant donc pas la possibilité d'une prolongation de la période prévue.

Une des difficultés vient des divisions du gouvernement britannique, qui peine à s'accorder sur une stratégie claire. Le ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, insiste sur le nécessaire contrôle de l'immigration. Celui des Finances, Philip Hammond, cherche d'abord à protéger l'économie. Ces divergences ne sont "un secret pour personne", a reconnu Philip Hammond, qui insiste sur l'impératif pour le secteur financier de ne pas être entravé par des restrictions sur le mouvement des travailleurs qualifiés. Jeudi matin, le ministre du Brexit, David Davis, a assuré que le Royaume-Uni allait maintenir "la libre circulation des cerveaux".

L'Ecosse, qui menace d'un nouveau référendum d'indépendance et a publié un projet de loi en ce sens jeudi, constitue un autre casse-tête. Plusieurs recours en justice risquent également de freiner le processus.

N.G. avec AFP