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Brexit : la mission impossible de Boris Johnson

Boris Johnson est un habitué des propos polémiques, et ce depuis de nombreuses années

Boris Johnson est un habitué des propos polémiques, et ce depuis de nombreuses années - Daniel LEAL-OLIVAS / AFP

Le futur Premier ministre, qui sera confirmé en début d’après-midi, devra réussir là où Theresa May a échoué : sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne. Mais sa personnalité et ses prises de position éloignent encore un peu plus cette éventualité.

« Si nous pouvons aller sur la Lune, nous pouvons résoudre le Brexit ». Voici, en résumé, la pensée de Boris Johnson, lors de sa dernière chronique dans le Telegraph, dimanche dernier. Un optimisme à toute épreuve, déjà raillé par ses adversaires, et qui ne suffira probablement pas pour trouver une issue à la pire crise institutionnelle du Royaume-Uni.

L’ancien maire de Londres a pourtant obtenu ce qu’il espérait depuis des années : devenir Premier ministre. Mais la nomination vient avec le package complet. Il doit désormais apporter des solutions concrètes, loin de ses grandes envolées, plus ou moins mensongères, qu’il égrainait lors de la campagne du référendum.

Et c’est là que tout se complique. Si Theresa May avait cherché le consensus, Boris Johnson assume le clivage. L’homme est admiré par les adhérents du parti conservateur mais est loin de faire l’unanimité chez les ministres. Dès lundi, les premières contestations et démissions du gouvernement sont tombées, à commencer par celle d’Alan Duncan, numéro deux du Foreign Office. Mercredi, Philip Hammond, le ministre britannique des Finances (le chancelier de l'Echiquier), très critique envers Johnson, suivra le mouvement.

Pas de « no deal »

Côté parlementaires, Boris Johnson est aussi loin de faire l’unanimité, y compris dans son camp. D’autant plus que les députés ont mis en échec un des principaux arguments du nouveau Premier ministre. Non, il ne pourra pas contourner le Parlement pour sortir, « coûte que coûte », de l’Union européenne, y compris sans accord. En clair, les députés gardent la main. Or, aucune majorité ne s’est dégagée dans le dossier du Brexit. Boris or not Boris, la situation pourrait bien patiner.

Un nouvel accord ? Les Européens n’en veulent pas. Une solution alternative pour la frontière irlandaise ? Rien de concret sur la table. Imposer un « no deal » aux Parlementaires ? Exercice périlleux. Un nouveau sondage, réalisé lundi, montre qu’une majorité des Britanniques y sont opposés. En parallèle, les alertes économiques se multiplient. « Les perspectives au-delà du mois d'octobre sont vraiment très sombres avec le risque d'une contraction sévère en cas d'un Brexit sans accord et désordonné » indiquait, ce lundi, l'institut d'études économiques britannique NIESR.

Le cas Boris Johnson risque aussi de cristalliser les tensions en Ecosse, l’homme n’ayant jamais hésité à attaquer la province du nord. « Une Livre dépensée à Croydon (université londonienne) a bien plus de valeur pour le pays qu'une livre dépensée à Strathclyde (université de Glasgow) » lançait-il, provocateur, en 2012. De la même façon, le cas de l’Irlande du Nord sera problématique. Si les conservateurs au pouvoir sont officiellement soutenus par le parti unioniste, l’île craint par-dessus tout le retour de la frontière, imposé par un « no deal ».

Le spectre des élections anticipées

Clairement, les marges de manœuvre sont limitées, voire inexistante, pour Boris Johnson. Une solution serait de remettre à plat l’accord rédigé avec les Européens pour une renégociation totale. Mais Bruxelles n’acceptera pas si facilement de céder à cet opposant notoire aux institutions européennes. La réunion du G7, fin août, sera déterminante.

A moins qu’une motion de censure ne vienne mettre un terme plus tôt que prévu à ce nouveau gouvernement, la deadline du 31 octobre entraînera une crise institutionnelle si elle était dépassée. Les deux principaux partis, laminés aux dernières élections européennes, n’ont pas intérêt à lancer un scrutin anticipé. Mais auront-ils encore le choix ? Une fois de plus, le Royaume-Uni entre dans une période cruciale de son histoire.

Thomas LEROY