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Brexit: tension extrême

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La City se met en cellule de crise, Theresa May lance un ultime appel

Theresa May lance un ultime appel. A 48 heures maintenant d’un vote décisif sur l’accord qu’elle a négocié avec Bruxelles, elle rappelle qu’il n’y a pas d’alternative et tente de mettre les élus britanniques face à leurs responsabilités : « ne pas soutenir l'accord serait catastrophique et un abus de confiance impardonnable pour notre démocratie », dit-elle au Sunday Express. « Donc mon message au Parlement ce week-end est simple: il est temps d'oublier les jeux et de faire ce qui est juste pour notre pays.»

« No deal, no Brexit »

L’argument mis en avant maintenant par le gouvernement c’est que le Brexit pourrait « ne pas avoir lieu » si l’accord était rejeté par la chambre des communes. Le ministre britannique des Affaires étrangères, Jeremy Hunt l’a dit clairement en fin de semaine : « ce qui est le plus probable en cas de rejet de cet accord, c'est le risque d'une paralysie du Brexit et si cela se produit, personne ne sait ce qu'il pourrait advenir. Le gros risque, qui préoccupe les Britanniques, c'est de ne pas réaliser ce pour quoi ils ont voté », constatant que la Chambre des Communes est majoritairement pro-européenne (les trois quarts des députés ont voté pour le maintien au sein de l'UE lors du référendum de juin 2016) et qu’elle a contraint Theresa May à solliciter le feu vert du Parlement pour débloquer des fonds destinés à faire face à un Brexit sans accord.

Le scénario est à ce point crédible que deux des principaux donateurs de la campagne en faveur du Brexit, les milliardaires Peter Hargreaves et Crispin Odey, estiment désormais que le projet est voué à l'échec : « je suis totalement désespéré. Je pense qu'il n'y aura pas de Brexit du tout », a dit Hargreaves qui, à 72 ans, est l'un des hommes les plus riches de Grande-Bretagne. Il a versé 3,2 millions de livres (3,55 millions d'euros) en faveur de la campagne pro-Brexit. « Ils (les pro-Européens) tablent sur le fait que les gens sont complètement lassés de cette histoire », quant à Crispin Odey, un gestionnaire de fonds spéculatifs, il dit parier désormais sur une remontée de la livre sterling, face à la capitulation des brexiter : « Je ne vois pas comment le Royaume Uni pourrait quitter l’union étant donné la configuration du Parlement, pratiquement personne ne mène la charge en faveur du Brexit. Il n'y a pas de leader ».

Boris Johnson se fait discret et Liam Fox, ministre du commerce, est resté au sein du gouvernement, il reprend d’ailleurs cette idée d’une « trahison des électeurs » : « Si le texte devait être rejeté, je crois que vous briseriez le lien de confiance entre l'électorat et le parlement, cela nous mènerait en territoire inconnu, avec des conséquences imprévisibles ».

« Conséquences profondes et durables »

Et puis les patrons donnent de la voix : « Ne nous y trompons pas, une absence d'accord serait ingérable », prévient Carolyn Fairbairn, directrice générale de la CBI l'équivalent du Medef au Royaume-Uni. Banques et courtiers ont d'ailleurs prévu des dispositifs spéciaux mardi soir pour pouvoir répondre aux questions et inquiétudes de leurs clients, en cas de forte volatilité sur les marchés, et de turbulences sur la livre sterling. Le géant Barclays va mobiliser davantage de personnel à Londres, New York et Singapour, en particulier pour ses équipes spécialisées dans les devises. Le courtier en ligne AJ Bell s'est également préparé à être sollicité davantage que d'habitude tandis que la société financière Hargreaves Lansdown a prévu d'augmenter de 40% les moyens dédiés à ses clients si besoin. Axa, enfin, a pris des décisions de relocalisation hors du Royaume.

Mais au-delà des éventuels soubresauts attendus sur les marchés la semaine prochaine, les milieux d'affaires redoutent les conséquences à long terme d'un « No deal » : nouveaux coûts et droits de douane pour les entreprises, ports perturbés, pénurie de pièces, disparition d'accords commerciaux avec le Japon, la Corée du Sud et la Turquie, dont le Royaume-Uni profite actuellement via l'Union européenne. Ces conséquences « seraient profondes, étendues et durables », a prévenu Carolyn Fairbairn, qui table sur une chute de 8% du Produit intérieur brut. « La responsabilité d'assurer une sortie ordonnée est désormais entre les mains du Parlement. Chaque parlementaire est démocratiquement choisi pour préserver la sécurité et la prospérité du pays. Et la semaine prochaine, ce sera un test », a déclaré la dirigeante patronale.