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Brexit : Theresa May défend le projet d'accord avec Bruxelles

La Première ministre Theresa May au 10, Downing street le 14 novembre dernier.

La Première ministre Theresa May au 10, Downing street le 14 novembre dernier. - BEN STANSALL / AFP

Theresa May tente de vendre à son gouvernement le texte conclu avec l'Union européenne hier soir. Son cabinet est particulièrement divisé sur la question.

C’est une étape importante sur la voie du divorce avec l’Union européenne : la validation par le gouvernement de Theresa May de l’accord technique conclu hier à Bruxelles par les négociateurs européens et britanniques. Son cabinet s'est réuni à partir de 15 heures ; une réunion présentée comme un « moment de vérité », par les quotidiens Financial Times et The Telegraph. Elle durera « aussi longtemps que nécessaire », a prévenu le porte-parole de la Première ministre.

Un cabinet divisé

Theresa May va avoir fort à faire pour convaincre ses ministres de donner leur feu vert à ce texte. Composé de 22 membres, il est divisé entre ministres eurosceptiques (9 sont ouvertement europhobes) et partisans du maintien dans l’Union européenne. Tous ont été reçus individuellement depuis hier soir au 10, Downing street, où ils ont pu consulter le texte et s’entretenir avec la Première ministre britannique. Deux ministres (la secrétaire d'Etat chargée du Travail et la ministre chargée des Femmes et des Egalités, deux ardentes « Brexiters ») devraient démissionner pour marquer leur désaccord, selon The Telegraph.

Le contenu du projet n’a pas été publié, mais certaines parties, réglées depuis des mois, sont déjà connues : le montant du chèque que versera Londres à Bruxelles (environ 45 millions d’euros), le statut des expatriés britanniques établis sur le continent et celui des ressortissants européens installés au Royaume-Uni et enfin la période de transition qui doit courir d’avril 2019 (juste après le divorce officiel) à décembre 2020, une période de statu quo.

Les concessions de Theresa May

Mais les négociateurs sont aussi parvenus, après de longs mois de négociations, à une solution pour la frontière irlandaise. Il s’agissait d’éviter à tout prix le retour d’une frontière physique entre l’Irlande du Nord, province britannique, et la République d’Irlande, qui va rester membre de l’UE, afin de préserver les accords de paix de 1998. Theresa May a abandonné une de ses principales lignes rouges : le Royaume-Uni va rester dans une union douanière avec l’UE, le temps de trouver un accord commercial avec les Européens, mais avec des dispositions plus approfondies concernant l'Irlande du Nord en termes douaniers et réglementaires. 

De quoi hérisser les unionistes nord-irlandais du DUP, dont Theresa May dépend à Westminster pour disposer d'une majorité absolue. Le DUP refuse que l'Irlande du Nord soit traitée de manière très différente du reste du Royaume-Uni : un accord qui « sape l'intégrité économique et constitutionnelle du Royaume-Uni » n'est « pas acceptable », a mis en garde la cheffe du DUP Arlene Foster. Des propos qui sont de mauvais augure pour la Première ministre : elle aura besoin des 10 voix du DUP, le jour où la Chambre des Communes se prononcera sur tout accord qu'avaliserait le gouvernement.

 « Un État vassal »

Mais les unionistes nord-irlandais ne sont pas les seuls mécontents de ce projet d'accord. En échange de ce maintien provisoire dans l’Union douanière, les négociateurs britanniques ont en effet dû faire de sérieuses concessions : le Royaume-Uni devra continuer de respecter les normes de l’UE ; il s'agit par cette disposition, d'empêcher Londres de se lancer dans un dumping environnemental, social et fiscal. Une concession jugée insupportable par les partisans d'une rupture nette avec l'UE. Car non seulement cet accord maintient le Royaume-Uni dans une union douanière européenne sans limite de temps, mais Londres ne pourra pas en sortir de manière unilatérale, à moins d’un feu vert des Vingt-Sept. Par ailleurs, le RU n'aura pas le droit, dans cet intervalle, d'aller signer des accords commerciaux de son côté. Sur le papier, on est très loin du « take back control », le slogan des brexiters.

Cet accord va transformer le Royaume-Uni en un « État vassal » de l’UE, a fustigé l’ancien ministre des Affaires étrangères Boris Johnson. « Pour la première fois depuis mille ans, le Parlement n’aura plus son mot à dire sur les lois qui gouvernent ce pays » s'emporte l'ancien locataire du « Foreign Office ». Theresa May va donc essayer de convaincre les « hard brexiters » que ce deal, tout imparfait soit-il, est meilleur qu’un divorce sans accord, qui plongerait le pays dans le chaos.

Mais même si le gouvernement donne son feu vert aujourd'hui, l’accord devra recueillir le feu vert du Parlement britannique, où la Première ministre devra affronter une coalition inédite de conservateurs europhobes et pro-européens, de députés travaillistes et de nationalistes écossais, qui rêvent de la renverser pour pouvoir organiser de nouvelles élections ou obtenir un 2ème référendum. Theresa May a assuré que ce projet d'accord répondait au vote des Britanniques et qu'il allait conduire au Brexit. Elle a en revanche exclu une nouvelle fois d'organiser un nouveau référendum. Mais son chemin de croix est loin d’être terminé.