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Bruno Le Maire appelle l'Allemagne à lâcher du lest sur les salaires

Bruno Le Maire, qui connaît parfaitement l'Allemagne, n'a pas choisi un moment au hasard pour formuler son message.

Bruno Le Maire, qui connaît parfaitement l'Allemagne, n'a pas choisi un moment au hasard pour formuler son message. - Jean-François Monier - AFP

Dans une interview à Die Zeit, le ministre français de l'Économie déclare que l'Allemagne devrait augmenter les salaires et investir davantage à dans les infrastructures. Une opinion proche de celle des sociaux-démocrates allemands en pleine négociation avec Angela Merkel pour constituer une nouvelle coalition.

Bruno Le Maire s'est immiscé à sa manière ce mercredi dans les difficiles négociations gouvernementales en cours en Allemagne en réclamant que le pays desserre les cordons de la bourse.

La France a entrepris des efforts pour réformer son économie et réduire les dépenses publiques et "nous attendons de la part de l'Allemagne qu'elle se joigne au mouvement, en menant une politique salariale plus offensive et en investissant plus", a déclaré le ministre de l'Économie dans une interview diffusée mercredi par l'hebdomadaire allemand Die Zeit. "Nous devons aller l'un vers l'autre", a-t-il ajouté.

Un moment choisi avec soin

Le message n'est sur le fond pas nouveau. La France se plaint de longue date que l'Allemagne, première économie européenne qui accumule les excédents commerciaux et budgétaires, ne soutienne pas davantage à ses yeux la croissance de l'ensemble du continent en dépensant plus.

Mais le moment choisi par le ministre français, très bon connaisseur de l'Allemagne, est particulier. Bruno Le Maire s'est exprimé alors que conservateurs et sociaux-démocrates sont engagés dans la dernière ligne droite de leurs tractations pour tenter de forger un nouveau gouvernement. Elles doivent s'achever jeudi soir.

Plus de trois mois après les élections législatives marquées par la poussée de l'extrême droite et le repli des formations traditionnelles, la chancelière au pouvoir depuis 12 ans n'est toujours pas parvenue à trouver une majorité à la chambre des députés pour un nouveau mandat.

Un contexte social chargé en Allemagne

Surtout, le sujet de l'investissement public est au coeur des divergences entre les deux camps. Le SPD exige pour prix de son alliance des gages dans ce domaine ainsi qu'en matière de justice sociale. Les démocrates-chrétiens sont réservés. Très attachés à l'équilibre des comptes publics, ils jugent la marge de manoeuvre financière limitée. Les deux camps ont certes trouvé un accord intermédiaire mardi pour maintenir "au moins à leur niveau actuel" les investissements dans les transports, mais sans citer aucun chiffre.

À présent, "nous attendons davantage d'investissements dans les grands projets, dans l'innovation, la recherche et les infrastructures", a souligné Bruno Le Maire dans son interview.

Ses déclarations sur la politique salariale plus "offensive" interviennent aussi dans un contexte social chargé. Le syndicat de la métallurgie IG Metall a entamé cette semaine une série d'arrêts de travail pour réclamer entre autres une hausse de salaires de 6%, que refuse le patronat.

Les appétits dans le pays sont aiguisés par la bonne santé de l'économie. Le gouvernement allemand doit publier vendredi les chiffres de son excédent budgétaire fédéral en 2017, qui devrait dépasser 10 milliards d'euros au total, selon la presse. La croissance est au beau fixe et le taux de chômage au plus bas depuis près de 20 ans.

La réforme de l'Europe bloquée par la paralysie allemande

Bruno Le Maire a en outre confirmé l'impatience de Paris face à la paralysie politique en Allemagne. "Plus vite on aura un gouvernement allemand solide, mieux ce sera pour la France", a-t-il dit. L'élan pour des réformes en Europe qu'a tenté d'impulser le président Emmanuel Macron fin septembre, juste après les élections allemandes, est aujourd'hui freiné par le vide à Berlin, où la chancelière se borne à gérer les affaires courantes.

Si son camp conservateur et les sociaux-démocrates sont d'accord de manière générale pour renforcer l'Europe, le SPD soutient explicitement les projets d'Emmanuel Macron de réforme de la zone euro (budget, ministre, parlement) alors que la CDU est beaucoup plus réservée, y voyant un danger de mutualisation des dettes.

"Il y a de grandes divergences", a reconnu dimanche le chef de la diplomatie allemande, le social-démocrate Sigmar Gabriel, appelant à ce "que nous soutenions enfin les Français dans leurs efforts de réforme". Bruno Le Maire a tenté sur ce point de rassurer Angela Merkel en soulignant que l'idée d'un budget ou d'un parlement de la zone euro ne seraient discutées qu'au bout du processus de réforme, après l'harmonisation fiscale et l'union bancaire.

N.G. avec AFP