BFM Business
International

Calme précaire à Bangkok après la reddition des opposants

Les rues de Bangkok étaient globalement calmes jeudi et seules quelques escarmouches ont été signalées, au lendemain de l'offensive menée par l'armée thaïlandaise pour chasser les opposants au gouvernement du centre de la ville. /Photo prise le 20 mai 201

Les rues de Bangkok étaient globalement calmes jeudi et seules quelques escarmouches ont été signalées, au lendemain de l'offensive menée par l'armée thaïlandaise pour chasser les opposants au gouvernement du centre de la ville. /Photo prise le 20 mai 201 - -

par Jason Szep et Damir Sagolj BANGKOK - Des soldats thaïlandais ont procédé à des tirs de sommation jeudi alors qu'ils progressaient en direction...

par Jason Szep et Ambika Ahuja

BANGKOK (Reuters) - Au lendemain de l'intervention de l'armée contre les "chemises rouges", les forces de sécurité thaïlandaises ont rétabli jeudi le calme dans la majeure partie de Bangkok, la capitale.

Au sortir d'une nuit encore ponctuée de heurts et d'incendies malgré le couvre-feu imposé dans la ville, l'armée a pris le contrôle du campement abandonné la veille par les opposants au gouvernement.

Des milliers de membres des "chemises rouges" ont été chassés mercredi de ce camp de trois kilomètres carrés qu'ils occupaient depuis six semaines dans le centre-ville. Quelque 1.500 d'entre eux avaient trouvé refuge dans un temple, que la police a réussi à évacuer jeudi dans la journée.

Jamais dans son histoire récente, la Thaïlande n'avait connu une telle flambée de violences urbaines et des émeutes aussi meurtrières. En six jours, le bilan humain de la crise s'est alourdi dans de lourdes proportions: 53 personnes ont été tuées et plus de 400 autres blessées. Depuis le début de la crise, début avril, ce sont au total 82 personnes, des civils pour la plupart, qui ont perdu la vie.

Une quarantaine de bâtiments ont été parallèlement incendiés, dont de nombreuses banques et la Bourse de Bangkok. Le deuxième plus grand magasin d'Asie du Sud-Est, le Central World, a été la proie des flammes. Jeudi matin, les pompiers avaient évité le pire mais continuaient de lutter contre le feu.

Au Bureau du développement économique et social, on chiffre à trois milliards de dollars l'impact économique de ces neuf semaines de troubles, soit 1% du produit intérieur brut (PIB).

UNE NATION DIVISÉE

Dans certains quartiers de Bangkok, dont le secteur de Din Daeng, la situation demeurait instable jeudi en fin de journée. Des dizaines de manifestants ont incendié des pneus, une banque est partie en fumée et les forces de l'ordre ont procédé à des tirs de sommation. Mais ces incidents n'ont pas atteint le niveau de violence de ces derniers jours.

Reste que le pays doute que la crise appartienne désormais au passé. Ces deux mois de troubles ont illustré les profonds clivages d'une société où 20% des 67 millions de Thaïlandais détiennent 55% de la richesse nationale tandis que les 20% les plus pauvres se contentent de 4%, d'après la Banque mondiale.

"La Thaïlande est devenue une nation profondément divisée, et même si parler de guerre civile pourrait être prématuré, le risque existe que les troubles civils et les violences politiques ne puissent être contenus", estime Danny Richards, analyste de l'Economist Intelligence Unit.

Le Premier ministre, Abhisit Vejjajiva, en ressort pour sa part avec une image ternie. "En dépit de toutes les circonstances atténuantes, il sera toujours celui dont l'intervention mal préparée a fait de Bangkok la proie des flammes", juge Michael Montesano, de l'Institut des études de l'Asie du Sud-Est basé à Singapour.

Les "chemises rouges", fidèles à l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra, renversé en septembre 2006, réclament toujours des élections anticipées, estimant que l'actuel chef du gouvernement manque de légitimité.

Abhisit, qui avait temps proposé un calendrier électoral accéléré, a retiré son offre la semaine dernière.

L'ABSENCE DU ROI

"La question qui se pose est la suivante: combien de temps faudra-t-il maintenir un tel déploiement militaire dans la ville ? Car la colère couve toujours", souligne Tanet Charoengmuang, politologue de l'Université de Chiang Mai.

Le principal dirigeant du mouvement de contestation, Veera Musikapong, a exhorté jeudi ses partisans à observer un comportement pacifique. "La démocratie ne peut être bâtie sur la vengeance et la colère", a dit le président du Front uni pour la démocratie contre la dictature (UDD), lors d'une allocution télévisée prononcée de son lieu de détention.

Les autorités thaïlandaises ont prorogé de trois jours le couvre-feu nocturne, qui s'applique chaque soir à partir de 21h00, et l'ont élargi à 24 provinces, soit près d'un tiers du pays, après que des mouvements de contestation ont éclaté dans sept régions, en particulier dans le nord de la Thaïlande, l'un des fiefs des "chemises rouges".

D'après Sansern Kaewkamnerd, porte-parole de l'armée, 13.000 personnes se tiendraient prêtes "à des émeutes et à des actes illégaux" dans ces provinces placées sous couvre-feu.

Souvent décisif dans de précédentes crises politiques, le roi Bhumibol Adulyadej ne semble plus en position de recours. A 82 ans, hospitalisé depuis la mi-septembre, le monarque n'a fait aucun commentaire public sur la crise actuelle.

Avec Damir Sagolj, Nopporn Wong-Ahan et Vithoon Amorn, Henri-Pierre André pour le service français, édité par Gilles Trequesser