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"Ce n'est pas parce qu'on baisse les taux que les gens vont investir davantage", avertit Jacques de Larosière (ex-FMI)

Invité sur le plateau de 12H L'Heure H ce mercredi, l'ancien directeur général du FMI et ex-gouverneur de la Banque de France évoque les conséquences de la politique monétaire plus qu'accommodante menée par les banques centrales ces dernières années.

Les instances internationales doutent. Elles seraient même dans l'"impasse". Le Fonds monétaire international (FMI) table désormais sur une croissance "plus lente dans près de 90% du monde" et sa nouvelle directrice, Kristalina Georgieva, estime que les tensions commerciales risquent d'amputer de près de 0,8% le PIB mondial d'ici 2020. Les analystes de l’OMC ont également fortement revu à la baisse leurs prévisions de croissance du commerce pour 2019 et 2020. Bref, les indicateurs et les économistes ne misent sur rien de très positif.

Et si la nouvelle patronne du FMI impute notamment cette révision de croissance aux tensions commerciales sino-américaines, elle met également en exergue un autre élément qui, selon elle, serait responsable de cette croissance en demi-teinte: la politique accommodante menée par les banques centrales ces dernières années en matière de taux d'intérêt. Un avis que Jacques de Larosière, auteur du livre "Les 10 préjugés qui nous mènent au désastre économique et financier" (aux éditions Odile Jacob), partage.

"Ce n'est pas parce qu'on baisse les taux d'intérêt, que les gens vont investir davantage", prévient-il. "Quand vous baissez les taux d'intérêt, vous créez une appétence pour la liquidité (…) Et cette préférence pour la liquidité (…) elle se manifeste partout. Les statistiques sont écrasantes de ce point de vue-là. Et il en résulte que vous avez une préférence pour des placements très liquides (…) Et un désintérêt pour l'investissement réel, les infrastructures, l'énergie, parce que cela, c'est incertain".

Sortir de l'impasse

Bien que les révisions successives pratiquées sur les taux d'intérêt aient pu avoir des répercussions positives par moment, admet l'ex-patron du FMI, celui-ci estime que la politique monétaire actuelle constitue avant tout une "impasse" à laquelle il va, d'une manière ou d'une autre, falloir remédier. Ce d'autant plus que les banques – en réaction – s'apprêtent à taxer les dépôts à vue.

"Quand vous faites une politique monétaire très généreuse comme nous avons eu depuis une dizaine d'années, il y a un moment où les taux d'intérêt arrivent à zéro. Si on va plus loin encore (…) Si on baisse la garde encore? Que va-t-il se passer? Il y a un moment où les banques vont être obligées de répercuter ces taxes sur les déposants. Et à ce moment-là on arrive à une conclusion qui est très négative puisque les gens vont être incapables de consommer plus (…) On sent bien qu'en dessous de zéro on a atteint la limite. On est dans l'impasse".

Quelle solution?

Aussi, pour sortir de "cette impasse", Jacques de Larosière préconise de "se débarrasser d'un certain nombre de fantasmes" selon lesquels il conviendrait "absolument que l'inflation arrive à 2%: elle est à 1,5% mondialement, c'est excellent", assure-t-il. Et l'une des premières approches à envisager pour y remédier serait, selon lui, de miser sur "un peu plus de calme, de sérénité" et "de rationalité dans l'examen des choses".

Julie Cohen-Heurton