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Chine : un nouveau scandale pharmaceutique

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Un laboratoire de biotechnologie de Shanghai a écoulé des traitements contaminés par le VIH. Un scandale après tant d’autres qui pose la question du fonctionnement de l’Etat.

Ce n’est pas la première fois que Shanghai Xinxing est pris en faute. En 2016, ce laboratoire de biotechnologie, fondé en 2000 par l’un des plus grands groupes pharmaceutiques à capitaux d’Etat, avait déjà été sanctionné pour une production illégale. Cette fois, il a écoulé plus de 12 000 lots d’un dérivé de plasma sanguin contaminés par le VIH. Une dizaine d’hôpitaux de la province du Henan (centre) sont plus particulièrement concernés.

La Commission nationale de santé a requis le retrait immédiat de ces traitements, tout en assurant que « les experts estiment le risque d’infection, très faible », du fait notamment que le virus serait inactif pendant le processus de fabrication. Toutefois, le directeur adjoint du département d’immunologie de la faculté de médecine de Pékin souligne que « la nature de l’incident est grave, impliquant des violations de procédures ». Shanghai Xinxing refuse de commenter les accusations, mais les éléments du dossier ne sont pas occultés par les médias publics.

Accumulation marquante

L’affaire survient moins d’un mois après la révélation qu’un vaccin contre la poliomyélite périmé a été administré à 145 enfants de la province du Jiangsu (est). Des centaines de personnes ont alors envahi un bâtiment des autorités de santé.

Sur une vidéo très largement consultée, on peut aussi voir une dizaine d’hommes prendre à partie un responsable dans la rue et le bousculer rudement. En juillet dernier, affaire d’une plus grande ampleur encore, un laboratoire de biotechnologie, Changsheng, coté à la bourse de Shenzen, a présenté des excuses publiques après une falsification de documents administratifs de son vaccin contre la rage. La même entreprise avait aussi écoulé des milliers de vaccins DTP défectueux.

Légitimité atteinte

Il s’agit de ne plus transiger avec les manquements des régulateurs : des dizaines de fonctionnaires ont été limogés, jusqu’à un directeur provincial du Centre de prévention des maladies, démis de ses fonctions par le Parti communiste. Insuffisant face à une incurie qui amène des citoyens à exiger que l’Etat recoure aux mesures les plus radicales.

Ainsi de ce père de famille qui, tenant son bébé dans ses bras, appelle, devant un hôpital de la capitale, à « exécuter les coupables » sans autre forme de procès. Dans ces affaires, l’opinion publique ne supporte plus ce qu’elle considère comme un profond mépris : l’été dernier, l’entretien télévisé d’un responsable du ministère de la santé, au discours jugé raide et à l’habillement perçu comme désinvolte, a suscité un déferlement de reproches sur les réseaux sociaux.

C’est un pacte non écrit en Chine auquel il serait porté atteinte : nous ne choisissons pas le pouvoir, mais en échange le pouvoir doit nous garantir une sécurité première, celle du bien-être élémentaire de nos enfants. Sinon, le fondement de la légitimité du pouvoir chinois en est remis en cause. La thèse est développée par Yanzhong Hung, spécialiste sino-américain des politiques de santé au Council on Foreign Relations, à New York (Etats-Unis). Dans une tribune retentissante publiée par le « New York Times » quelques jours avant que n’éclate l’affaire Shanghai Xinxing, il s’est demandé si la récurrence de ces scandales pharmaceutiques ne finit par pas poser la question de la capacité du système chinois à gouverner.

A l’appui de sa démonstration, l’auteur cite le président Xi Jinping, qui fin 2013, déclarait « si nous ne faisons pas un bon travail pour la sécurité de l’alimentation, alors le peuple demandera si notre parti est apte à diriger la Chine ». Et ce qui vaut pour l’alimentation, vaut pour les produits pharmaceutiques. Les Chinois n’admettent donc plus la décorrélation de leur politique de santé publique et de leurs extraordinaires progrès scientifiques.