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Chypre : l'accord divise les économistes

Manifestation d'employés de banques, qui sont toujours fermées ce 25 mars, devant le ministère des Finances à Nicosie.

Manifestation d'employés de banques, qui sont toujours fermées ce 25 mars, devant le ministère des Finances à Nicosie. - -

Sur BFM Business, ce lundi 25 mars, les économistes et gérants réagissaient au plan de secours décidé la veille pour Chypre. Certains se félicitent de ses termes quand d'autres s'inquiètent d'une possible contagion.

Chypre est sauvée ! Du moins, les ministres des Finances européens et le président chypriote sont parvenus à un accord censé permettre au pays de se relever, dimanche 24 mars. Nicosie touchera donc 10 milliards d’euros d’aide de ses partenaires. En contrepartie, elle devra opérer une restructuration de son secteur bancaire, mettre en place des réformes structurelles et lutter contre le blanchiment d'argent. Sur BFM Business lundi 25 mars, plusieurs économistes ont réagi aux conséquences de ce plan de sauvetage.

Mario Draghi change de rôle pour Patrick Legland, responsable mondial de la recherche Société Générale CIB:

"Mario Draghi a réellement changé de posture. Avant, il agissait simplement comme un soutien. Dans ce dossier, il a fait preuve d’une très grande fermeté [en adressant un ultimatum à Chypre] qui, je pense, sera saluée par les marchés. Il y a eu un énorme cafouillage au niveau de l’eurogroupe. Mais ce que vont retenir les marchés, c’est la fermeté de la BCE. La situation a été gérée dans la douleur mais en évitant le psychodrame grec qui a duré des trimestres."

Philippe Dessertine, directeur de l'institut de Haute Finance, craint une ruée bancaire qui s'étendrait aux autres pays européens en difficulté:

"Le bank run est ce que tout le monde redoute. Le bateau ne peut pas chavirer, sauf si tous les passagers, d’un coup et d’un seul, se portent sur un côté. Le bateau flotte, mais si on fait les imbéciles, on peut avoir des problèmes. Pour s’en prémunir, il va falloir surveiller qu’il n’y ait pas de contagion, en Grèce par exemple. Si c’était le cas, ce serait grave que des citoyens d’autres pays européens comme la Grèce, l’Espagne, commencent à retirer leur argent des comptes bancaires. C’est ce que dit le patron de la Banque centrale anglaise : on n’a jamais intérêt à commencer un bank run, mais on n’a jamais intérêt à ne pas y participer s’il a commencé."

Chypre va entrer en récession, estime Frédéric Ducrozet, économiste à la recherche marchés au Crédit Agricole CIB:

"Il n’y avait probablement pas de recette miracle. Cet accord est certainement un des moins pires possibles en l’état, si ce n’est qu’on a perdu une semaine, et beaucoup en crédibilité. Les conséquences seront lourdes pour l’économie chypriote en elle-même. Les décotes, pertes et partages des coûts qui vont être imposés vont toucher les PME, les entreprises et les particuliers. Ce qui laisse présager d’une récession très sévère dans les mois et trimestres à venir.

Au niveau européen, Chypre représente 0,2% maximum du PIB de la zone euro, mais potentiellement beaucoup en termes de contagion. Il va falloir qu’on surveille de très près les chiffres des dépôts bancaires dans toute la périphérie. Contagion aussi en termes politiques, psychologique : il faudra surveiller ce que diront nos partenaires européens de cet accord, s'ils le qualifient en des termes positifs ou négatifs, cela aura un impact."

La zone euro se renforce petit à petit, considère Arnaud Tourlet, gérant actions HSBC Global Asset Management:

"Le sentiment, dans les salles de marché, est mitigé. Chypre, c'est tout petit, mais l'île a réussi à provoquer quelques remous. Mais c'est la même chose depuis trois ans dans cette crise en zone euro. On est très nombreux, il est toujours difficile de parvenir à un accord. Le côté positif, c'est que progressivement, étape par étape, à mesure que l'on résout ses problèmes, on diminue le risque systémique et on renforce la solidité financière globale de la zone. Ce faisant, on améliore petit à petit la confiance."

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Reuters

N.G. et BFM Business