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CO² : l'Europe accroît encore la pression sur l'industrie automobile

L'industrie automobile juge irréaliste le nouvel objectif de réduction d'émission de CO² des autorités européennes, au regard des efforts déjà entrepris.

L'industrie automobile juge irréaliste le nouvel objectif de réduction d'émission de CO² des autorités européennes, au regard des efforts déjà entrepris. - JOHANNES EISELE / AFP

L'Europe a tranché pour un objectif de réduction de 37,5% des émissions de CO² pour l'automobile sur la période 2021-2030. Objectif jugé « totalement irréaliste » par le secteur.

Ce sont des objectifs bien plus ambitieux que prévu qu'ont adopté les autorités européennes en matière de réduction des émissions de CO² pour le secteur automobile. L'objectif initial était de 40%, avec des industriels (épaulés par l'Allemagne et la France) partisans d'une option à -30%. Après plusieurs tours de négociations où un objectif médian de 35% était évoqué, l'Europe, sous présidence autrichienne, a finalement tranché pour -37,5%. Chiffre qui doit être définitivement adopté par un vote du Parlement et du Conseil, qui ne devrait être qu'une formalité.

Un objectif finalement plus élevé que prévu, qui s'ajoute à un nombre croissant de contraintes structurelles qui pèsent sur l'ensemble de l'industrie automobile. Cette dernière, par la voix de l'association européenne ACEA, fait part de ses inquiétudes grandissantes, qualifiant ces objectifs de « totalement irréalistes par rapport à la situation actuelle », au risque de provoquer des conséquences graves sur l'emploi. « Cet objectif pour 2030 répond purement à des motivations politiques, sans prendre en compte les réalités technologiques et socio-économiques », déplore l'ACEA.

Une cascade de défis réglementaires

Une inquiétude partagée notamment par le Ministre allemand de l'Economie, pour qui « ce compromis est à la limite de ce qui est techniquement et économiquement possible ». Car si les constructeurs se sont eux-mêmes préparés sans attendre à une révolution technologique rapide en faveur des motorisations électriques, les autorités internationales, européennes ou même locales semblent vouloir que cette révolution soit de plus en plus rapide via des règlements toujours plus contraignants. D'autant plus au milieu d'un processus déjà rendu complexe par l'adoption de normes environnementales de plus en plus sévères (Euro 6 et WLTP).

Du côté de Volkswagen notamment, des efforts considérables sont menés. 44 milliards d'euros vont être investis ces prochaines années dans l'électrification et les nouvelles technologies, 50 nouveaux modèles électriques vont sortir d'ici 2025 et le constructeur promet de concevoir son ultime génération de moteurs thermiques en 2026, pour basculer après vers le 100% électrique. 

Investissements records... mais insuffisants

Mais le PDG de Volkswagen, Herbert Diess, le reconnaît, « Une réduction de 37,5% en 2030, cela veut dire qu'à cet horizon 40% des voitures en Europe devront être électriques, contre 5% aujourd'hui. Bien plus que ce que nous avions déjà prévu. Il va donc falloir revoir notre plan d'investissement dans les prochains mois » dit-il, promettant une réévaluation au printemps prochain.

Daimler a fait part aussi de ses inquiétudes. Même si la maison-mère de Mercedes a annoncé de très importants investissements, notamment en faveur des batteries électriques, et que son but premier est « d'arriver à tenir les objectifs européens », le groupe observe que ces décisions « ne sont pas qu'une question de possibilités technologiques, mais aussi dépendantes des décisions d'achat de la clientèle ». D'autant que par nature, les constructeurs allemands sont avant tout fabricants de voitures haut de gamme, nécessairement plus émettrices de CO² de par leur gabarit et leur motorisation.

Maigres initiatives européennes

Constat partagé par le patron de la Fédération Allemande de l'Industrie, estimant que le processus de décision européen manque de vision globale. « Cette politique de simple limitation des émissions évacue totalement le problème de l'infrastructure de charge nécessaire, dont les gouvernements sont aussi responsables » dit-il.

La Présidence Européenne a assuré pourtant travailler à des mesures de soutien en faveur de l'électrique, du financement des réseaux de charge, et a annoncé aussi le lancement de travaux franco-allemands pour créer une filière de fabrication de batteries. Décisions jugées avec beaucoup de scepticisme par l'industrie, les initiatives communes en la matière mettant énormément de temps à se matérialiser.

Les Français mieux placés

Côté constructeurs français, même si la prudence domine, les constructeurs semblent finalement plus sereins. Renault a simplement « pris acte » de ces nouveaux objectifs sans faire de commentaire. Mais le constructeur reste leader incontesté du marché de l'électrique avec la Zoe, et la Leaf de son allié Nissan, toujours champions du monde des ventes sur le segment, avec un savoir-faire et un outil de production dédié.

Les technologies d'hybridation rechargeable héritées du dernier partenaire Mitsubishi équiperont bientôt les 3 modèles les plus vendus de la gamme Renault, Mégane, Clio et Captur, assurant un processus de transition gérable vers un avenir que le constructeur imagine toujours 100% électrique à long terme.

Enfin PSA, qui a entamé lui aussi un processus d'électrification rapide de sa gamme, s'estime bien placé lui aussi. Avec deux objectifs : une motorisation hybride ou électrique par nouveau véhicule dès l'année prochaine, pour arriver à électrifier l'ensemble des modèles de la gamme dès 2025. Un plan qui devrait permettre à PSA, lui aussi, de respecter ces nouveaux critères européens.