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Comment l'Europe appuie discrètement l'indépendantisme écossais

Donald Tusk, ex-président du Conseil européen, a assuré dimanche sur la BBC qu'un retour de l'Écosse indépendante dans l'Union européenne serait vu "avec enthousiasme" par les Vingt-Sept.

Les indépendantistes écossais pourront-ils compter sur le soutien de l'Union européenne? Donald Tusk, ex-président du Conseil européen, a évoqué dimanche un retour de l'Écosse dans le giron européen. Il ne s'agit pas d'un dirigeant retiré des affaires qui formule son avis au coin du feu sans que cela ne porte vraiment à conséquence. Donald Tusk n'est pas qu'une "ex-fonction", il est le président en exercice du Parti populaire européen, la première famille politique représentée au Parlement européen. C'est un chef de file des conservateurs européens qui remet indirectement en cause l'intégrité territoriale, donc la souveraineté, d'un Etat désormais extérieur à l'UE.

Interrogé à la télévision britannique, il a en effet invoqué l'émotion, les sentiments, pour affirmer que tout le monde à Bruxelles, et plus largement en Europe, serait enthousiaste à la perspective d'accueillir l'Écosse. Même s'il rappelle qu'une procédure d'adhésion serait toujours à suivre, il existerait à cet égard, selon lui, une empathie européenne. La nuit du Brexit, il se trouve aussi qu'un jeu de lumières a été projeté sur la façade du siège de la Commission européenne à Bruxelles : les mots "Écosse" et "Europe" en bleu se croisant au travers d'un cœur rouge. Le SNP, le parti national écossais, au pouvoir à Édimbourg, a apprécié le geste et le relaie.

L'opinion favorable à la sécession

Il semble difficile de formuler encouragement plus explicite aux indépendantistes écossais. Pour rappel, au référendum sur le Brexit, 62% des Écossais ont voté pour le maintien dans l'Union européenne. Chacun use de ce qu'il estime être ses atouts: il faut rappeler un discours de la chancelière allemande Angela Merkel en octobre dernier: "le Royaume-Uni est notre concurrent potentiel au même titre que la Chine ou les Etats-Unis". Quant à Donald Tusk, s'il se défend de toucher à la souveraineté britannique, c'est aussi une façon d'inciter les autorités écossaises à légiférer dans le sens des règles des Vingt-Sept, autant que le permettent les compétences déléguées par Londres.

Le gouvernement écossais s'est engagé à s'y conformer au maximum dans l'espoir d'obtenir une procédure de réadmission accélérée. Le SNP, plus que jamais pro-européen, se montre persuadé qu'un Brexit autocentré sur l'Angleterre peut faire monter la conviction indépendantiste parmi les Écossais. Pour la première fois depuis cinq ans, une enquête d'opinion donne une majorité à la volonté de sécession (51-49). Surtout, plus de 20% des électeurs interrogés qui avaient voté non au référendum d'indépendance perdu par le SNP en 2014 sont passés au oui. Le secrétaire écossais aux affaires constitutionnelles estime même que 2020 est toujours le bon moment pour un nouveau référendum.

Londres refuse un nouveau référendum

Une nouvelle consultation serait néanmoins très difficile avant 2021. Le chef du gouvernement britannique sait qu'il peut rejeter sans risque toute demande d'Édimbourg. Le Premier ministre britannique Boris Johnson a en effet jugé, il y a trois semaines, qu'accepter la tenue de ce référendum d'indépendance reviendrait à poursuivre la stagnation politique dans laquelle se trouve, selon lui, l'Écosse depuis une décennie. Les commentateurs conservateurs à Londres font valoir que l'Écosse n'a économiquement pas le choix de son destin. Au-delà même du fait que 60% de ses exportations s'opèrent vers le reste du Royaume-Uni, il y a des indicateurs macroéconomiques très défavorables.

Un économiste de Scottish Trends a calculé que l'exécutif d'Édimbourg a dû revoir à la baisse de 3% le produit intérieur brut de l'Écosse, ce qui va faire gonfler le déficit public au-delà des 7%. On est très loin des critères européens. Rien que pour cela une admission ou une réadmission dans l'Union européenne relève pour l'heure de l'impossible.

J.B, avec Benaouda Abdeddaïm