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Comment l'Italie tente de relancer sa croissance

Le président du Conseil italien Giuseppe Conte et le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini lors d'une conférence de presse le 15 novembre à Rome.

Le président du Conseil italien Giuseppe Conte et le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini lors d'une conférence de presse le 15 novembre à Rome. - FILIPPO MONTEFORTE / AFP

Le gouvernement italien a adopté un ensemble de mesures pour sortir le pays de la récession. Près de deux milliards d’euros ont été mis sur la table.

Les beaux jours ne cessent de s’éloigner en Italie. Dans l’espoir de relancer la croissance exsangue de la péninsule, Rome mise sur les déductions fiscales, les incitations financières et les investissements publics. Dans la nuit de mardi à mercredi, les membres du gouvernement transalpin ont adopté une série de mesures visant à sortir le pays de la récession. Le « décret-loi croissance » consacrera à ces mesures près de deux milliards d’euros sur trois ans, dont un milliard dès 2019.

« L’économie italienne tourne au ralenti depuis quelques mois, et le gouvernement essaie de relancer la machine », souligne Paolo Modugno, professeur à Sciences-Po et spécialiste de la vie politique italienne. Entrée en récession technique au second semestre de l’année passée, l’Italie ne semble guère sortie d’affaire. Les pronostics les plus optimistes tablent, au mieux, sur une très faible hausse croissance en 2019, tandis que l’OCDE assure que la récession se poursuivra cette année.

Pour stimuler des investissements en berne, Rome prévoit la poursuite d'importantes déductions fiscales pour les entreprises investissant dans des machines ou dans l'immobilier, mais aussi une baisse des impôts sur les sociétés. Le gouvernement compte aussi relancer les investissements publics en réservant un budget de 500 millions d’euros pour les communes italiennes. Par ailleurs, des aides à l'achat d'une première maison, des incitations financières destinées aux jeunes diplômés ou encore un système d'indemnisation des petits actionnaires sont au programme.

Cela risque pourtant d’être insuffisant. « Ce sont des mesurettes qui ne feront pas le poids face à la détérioration de l’économie italienne. Deux milliards d’euros, ce n’est pas grand-chose. La preuve est qu’elles sont passées relativement inaperçues en Italie », nuance Paolo Modugno. « Le gouvernement veut montrer qu’il agit mais, dans les faits, il n’a plus de moyens. La mise en œuvre du revenu de citoyenneté et la réforme des retraites, les deux promesses phares des partis de la coalition, ont coûté cher au budget italien », poursuit-il.

En attendant les élections européennes

Ce plan de relance devrait creuser un peu plus le déficit abyssal de l’Italie. Cela augure-t-il d’un nouveau bras de fer avec Bruxelles ? « Evidemment. Des tensions avec la Commission européenne semblent inévitables après les élections européennes. L’aggravation de la situation de la dette se traduira forcément par de nouvelles négociations compliquées », explique Paolo Modugno. « Les marchés réagissent assez peu pour le moment. Tout le monde attend les élections européennes », assure-t-il.

Au bord de la rupture, le gouvernement pourrait en effet ne pas survivre au scrutin européen de mai prochain. La crise couvre entre les populistes du Mouvement 5 étoiles et le parti d’extrême-droite de la Ligue, et la coalition ne tient qu’à un fil. Une première version du décret avait été validée au début du mois d’avril, mais les tensions internes, notamment au sujet de la dette de la ville de Rome, avaient retardé son adoption définitive.

« Le pays est dans une grande incertitude. Les élections européennes, selon toute vraisemblance, devraient inverser le rapport de force entre les deux membres de la coalition, au profit de la Ligue et au détriment du M5S, qui pourrait repasser sous la barre des 20%. Le gouvernement, à l’approche du scrutin, s’oblige à tenir bon pour le moment. Mais si la situation se détériore après les élections, rien n’exclut qu’il puisse tomber », explique le spécialiste.

Jérémy BRUNO