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Comment Trump a voulu faire payer les coûts de la guerre en Irak en barils de pétrole

Donald Trump et Haidar al Abadi, le Premier ministre irakien lors de sa visite aux Etats-Unis.

Donald Trump et Haidar al Abadi, le Premier ministre irakien lors de sa visite aux Etats-Unis. - -

Donald Trump a estimé que les Irakiens devaient avec leur pétrole contribuer à éponger les dettes extraordinaires qui s’accumulent pour le contribuable américain depuis la guerre en Irak.

L’histoire commence en mars 2017. Le site américain Axios (très bien informé des affaires de Washington) la raconte, en se référant à différentes sources « directes ». Donald Trump reçoit, à la Maison-Blanche, le Premier ministre irakien Haidar al Abadi. L’entretien, sans relief particulier jusqu’ici, s’achève. C’est alors que le président américain lance : « Et qu’allons-nous faire au sujet du pétrole ? ». Son hôte le prie de préciser ses pensées. Réponse : « Nous avons beaucoup fait là-bas, nous avons dépensé des milliers de milliards là-bas (…) ».

Haidar al Abadi, manifestement, s’y était préparé. Il réplique (d’un « sourire narquois », est-il précisé) : « Vous savez, M. le Président, nous travaillons beaucoup (…) avec les compagnies énergétiques américaines ». Fin de la discussion… Jusqu’à l’été. Cette fois, l’échange se déroule au téléphone, Donald Trump réitère sa requête au chef du gouvernement irakien. Sans davantage de succès.

Violation du droit international

D’après ce qui est rapporté par Axios, différents responsables à Washington se sont montrés consternés de l’initiative présidentielle. Face à Donald Trump, le général Herbert McMaster, alors chef du conseil de sécurité nationale, aurait jugé « mauvais pour la réputation des Etats-Unis de demander de telles choses ». Cela nous assimilerait, aurait-il ajouté, auprès des alliés, à « des criminels, à des voleurs ».

D’autres conseillers gouvernementaux ont soulevé la violation flagrante du droit international, selon eux, que représenterait une couverture des coûts de la guerre américaine par les ressources naturelles de l’Etat où elle a eu lieu. Argument auquel a également eu recours le ministre de la Défense James Mattis, en ajoutant que cela alimenterait la « propagande des ennemis des Etats-Unis ».

L’Irak, numéro 2 de l’Opep

Les nombreuses mises en garde pourraient, toutefois, ne pas dissuader le président américain de revenir à la charge. Si l’on se réfère aux seuls coûts d’opérations cumulés inscrits dans les lois de finances américaines depuis l’invasion de 2003, ils atteignent 822 milliards de dollars. Et les coûts indirects, comme l’assurance-santé ou les pensions de retraite des anciens combattants, suivent une courbe ascendante, très insuffisamment budgétisée.

Les éléments de démonstration sont apportés dans une étude de l’Institut international Watson (Université Brown), publiée le 14 novembre. Dès sa campagne électorale, Donald Trump a estimé que c’était aux Irakiens avec leur pétrole ou encore aux Afghans avec leurs minerais stratégiques de contribuer à éponger les dettes extraordinaires qui s’accumulent pour le contribuable américain.

Le Président peut être d’autant plus tenté de renouveler ses demandes que l’Irak de la fin 2018 s’installe comme le numéro 2 de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), en tendant vers le seuil des 4 millions de barils-jour. Et le fait que, malgré le rétablissement de sanctions américaines contre l’Iran, Bagdad ne veuille en aucun cas rompre économiquement avec Téhéran pourrait bientôt devenir, à ses yeux, un argument supplémentaire.