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Corées: les symboles ne suffisent plus

Les officiels sud coréens embarquent dans le train qui les mènera quelques kilomètres au nord

Les officiels sud coréens embarquent dans le train qui les mènera quelques kilomètres au nord - YONHAP / AFP

Nouvelle cérémonie entre les deux Corées, mais Séoul s’impatiente sur le nucléaire

Le ton est en train de changer entre les deux Corées, l’impatience du Sud sur la dénucléarisation de la péninsule est palpable, impatience à laquelle répond maintenant l’exaspération du Nord.

Séoul et Pyongyang ont tout de même tenu une cérémonie d'inauguration des travaux pour reconnecter et réparer les routes et voies ferrées de la péninsule divisée. Un train spécial comportant neuf voitures, avec à son bord une centaine de Sud-Coréens, dont cinq personnes nées au Nord, a pu traverser la péninsule jusqu’à la gare de Panmun à quelques kilomètres de la frontière, en Corée du Nord. Le train rouge, blanc et bleu, affichait sur ses wagons le slogan: « Ouvrons ensemble une ère de paix et de prospérité, reconnexion du chemin de fer et des routes Sud-Nord ».

La connexion des réseaux ferroviaires et routiers coréens figure parmi les mesures d'amélioration des relations bilatérales décidées par le président sud-coréen Moon Jae-in et le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un lors du troisième sommet intercoréen qui a eu lieu en septembre à Pyongyang. Mais Séoul a tenu à marquer son impatience. Annuler la cérémonie aurait été un geste politique trop fort, alors le gouvernement sud coréen a tenu à en marquer tout de suite les limites : « cette cérémonie ne marque pas le début des travaux de reconnexion des réseaux proprement dits. Il s'agit du témoignage de l'engagement des deux pays derrière le projet », a déclaré un porte-parole du ministère sud-coréen de l'Unification. Les travaux vont dépendre « des progrès réalisés dans la dénucléarisation du Nord ».

Pas d’avancées sur le nucléaire

Les discussions entre Pyongyang et Washington pour convaincre le Nord de renoncer à son arsenal atomique patinent. La détente spectaculaire qui a eu lieu cette année sur la péninsule a débouché sur un sommet historique entre le président américain Donald Trump et M. Kim en juin à Singapour. Les deux dirigeants s'étaient alors engagés sur la « dénucléarisation complète de la péninsule coréenne », mais depuis, les deux pays s'affrontent à nouveau sur la signification de cette formule, s'accusant mutuellement de mauvaise foi. Pyongyang n'a pris aucun engagement concret envers la dénucléarisation et beaucoup d’experts considèrent qu'il est hautement improbable de voir la Corée du Nord abandonner ses armes nucléaires. Au mois de mai, les Nord-Coréens avaient invité des journalistes à constater le démantèlement puis la destruction du site d’essais nucléaires de Punggye-ri dans le nord-est du pays. Mais le geste avait été relativisé par des études chinoises qui montraient un effondrement partiel des collines sous lesquels étaient creusés les tunnels d’essais. Les chercheurs en concluaient que le centre n’était bientôt plus opérationnel.

Les Etats-Unis exigent un démantèlement « complet, vérifiable, irréversible » des capacités nucléaires de la République populaire démocratique de Corée. C’est-à-dire la fermeture du site d’essais, mais aussi la destruction des stocks d’armement nucléaire et des infrastructures permettant de produire la bombe, tandis que Pyongyang condamne les « méthodes de gangster » des Américains accusés d'exiger son désarmement unilatéral sans faire de concession.

Tension palpable

Et c’est bien pour cela que le responsable des chemins de fer nord-coréens, a répété que le Sud devait cesser de suivre la ligne des Américains : « Si le Sud continue de regarder par-dessus son épaule pour vérifier l'humeur de quelqu'un et continue de tergiverser, la réunification n'aura jamais lieu », a-t-il dit lors de la cérémonie organisée à la gare de Panmun, dans la ville frontalière de Kaesong, en Corée du Nord. Quelques instants après, une dizaine de représentants de chaque pays ont actionné des leviers pour reconnecter symboliquement les rails, le Conseil de sécurité de l'ONU avait d’ailleurs octroyé une exemption pour l'événement, selon la presse locale, pour assurer que l’on pouvait faire passer au nord ce « train de la paix » sans contrevenir aux sanctions internationales qui pèsent sur la Corée du Nord.

L’enjeu économique pourrait être considérable pour la Corée du Sud si la péninsule coréenne pouvait être un jour reliée à l'Europe par le nord via le chemin de fer transsibérien. Des représentants chinois, russes, mongols, assistaient à la cérémonie. Les spécialistes disent toutefois que les infrastructures de transport nord-coréennes sont en si mauvais état qu'il faudra des milliards de dollars et des décennies pour les moderniser.