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Coronavirus: Pourquoi la sortie de crise pour l'économie s'annonce très compliquée

Accompagner le redémarrage de l'économie et rassurer les consommateurs seront des défis de taille, expliquent pour BFM Business Laurence Boone, cheffe économiste à l'OCDE, et Laurent Favre, directeur général de Plastic Omnium.

Alors que les Etats et les banques centrales multiplient les plans de soutien à l'économie à grands coups de centaines voire de milliers de milliards de dollars, se pose également la question de l'après. Que se passera-t-il lorsque les mesures de confinement seront levés, quand l'épidémie sera jugulée?

La situation en Chine est à observer de près. Pékin est en effet en train de lever les restrictions dans la région du Hubei, premier épicentre de l'épidémie, permettant le redémarrage de certaines usines. Pour autant, un retour à la normale, tant au niveau de l'activité que de la consommation, est encore bien lointain.

Un constat observé par Laurent Favre, directeur général de l'équipementier automobile Plastic Omnium, qui opère 29 usines dans l'empire du Milieu. Si le responsable indique que "la situation repart en Chine", "le problème en Chine, c'est la demande".

Le problème, c'est la demande

"La production repart, l'ensemble de la supply chain en Chine est prête. (...) Le problème est la demande, les niveau de stock (de voitures) sont très très élevés et les consommateurs ne se précipitent pas pour acheter des véhicules. Donc c'est vraiment le problème de la Chine actuellement: ce n'est plus un problème de production mais un problème de demande. Et c'est pour ça que le gouvernement chinois réfléchit à des possibilités pour stimuler cette demande", explique ce mercredi le dirigeant sur BFM Business.

La question de la relance post-crise est donc essentielle. Elle est d'ailleurs déjà évoquée par le gouvernement français. "On aura deux enjeux pour la reprise après cette crise. Le premier enjeu sera un enjeu sanitaire: après le confinement il faudra qu'on s'assure que nos salariés sont dans des conditions sanitaires 100% sûres. (...) Le deuxième enjeu, c'est la demande: de nombreux Français et Européens vont avoir des pertes importantes de pouvoir d'achat pendant cette période. (...) Et il faudra relancer la demande pour les inciter à la confiance et à la consommation. Je pense que c'est un enjeu très important, pas simplement français mais européen", souligne Laurent Favre.

"Ca ne va pas repartir tout de suite"

L'analyse est partagée par Laurence Boone, cheffe économiste à l'OCDE: "Qu'est ce qui va se passer quand on sortira de ce confinement? Ca ne va pas repartir tout de suite, le virus n'aura pas disparu partout. Vous même, vous n'aurez pas forcément envie de reprendre un avion. Donc il faudra effectivement qu'on se penche sur certains secteurs et qu'on les accompagne. Soit pour qu'ils redémarrent parce que leurs chaînes de production aura été interrompue, soit pour les restructurer parce que les consommateurs auront changé de comportement. En plus, on aura quand même des personnes qui échappent aux mailles du filet: des contrats partiels, des intermittents du spectacle... Donc il faudra aussi absolument aider toutes ces personnes dont le revenu aura diminué, à repartir", explique-t-elle sur BFM Business.

L'économiste ajoute "que les conséquences dépendent de la longueur du confinement. Ca ne va pas du tout être la même chose si on met les entreprises à l'arrêt deux mois ou si on met les entreprises à l'arrêt 6 mois ou un an". Et de préciser qu'à ce stade, 30 à 35% de la consommation mondiale "ne se fait pas" et "plus ce tiers de l'activité touchée dure, plus on aura une baisse du niveau des PIB et effectivement des difficultés aussi à repartir. C'est pourquoi il faudra absolument accompagner le redémarrage et l'accompagner de manière intelligente. Donc pas forcément le plus rapide ou le plus polluant, mais peut-être penser aussi que c'est une opportunité pour changer les types d'investissements qu'on a à faire".

La question de la dette des Etats

Reste la question des moyens. Que restera-t-il dans les caisses après les faramineux plans de relance décidés partout dans le monde? Les Etats vont-ils continuer à pouvoir s'endetter de la même façon? 

"Les Etats peuvent s'endetter tant que les marchés pensent qu'ils pourront un jour (...) payer les intérêts de leurs dettes et éventuellement un jour rembourser. Ce n'est pas typique de la France. (...) Toute cette dette, est-ce que les marchés ont la capacité de l'absorber? Je ne pense pas qu'ils pourront tout absorber. Je pense que les banques centrales devront venir aussi participer à l'effort. Et d'ailleurs, elles ont commencé de le faire et de façon très très offensive. Et tant mieux. Mais effectivement, il est probable qu'une partie de cette dette sera absorbée par les banques centrales de façon à ce qu'on puisse continuer cet effort de guerre", détaille Laurence Boone.

Olivier Chicheportiche