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Coronavirus: quelle place pour l'écologie dans la relance économique?

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La récession, et le rebond attendu, peuvent-ils être l'occasion d'un grand virage vert? Emmanuel Macron l'a esquissé mais les obstacles sont nombreux...

Un monde axé sur "la sobriété carbone", "la résilience", "l'indépendance agricole": après le discours d'Emmanuel Macron, les partisans d'une transition énergétique espèrent voir le climat au coeur de la relance économique, mais ils risquent de se heurter à la tentation du retour au "business as usual".

Note d'espoir au milieu des sombres nouvelles liées au coronavirus, les émissions de CO2, responsables du changement climatique, sont en baisse avec le confinement. Mais pourraient repartir à la hausse comme après la crise financière de 2008, avertissent des économistes.

"En 2008, la relance n'intégrait pas d'impulsion environnementale", commente Patrice Geoffron, économiste à l'université Paris-Dauphine, à l'AFP.

"Rebâtir l'indépendance agricole"

Pour l'instant, le gouvernement pare à l'urgence économique, avec un repli du produit intérieur brut (PIB) prévu à 8% cette année. Il a mis 110 milliards d'euros sur la table pour soutenir l'économie et les salariés, dont huit millions sont au chômage partiel. D'autres ont déjà perdu leur activité.

"Il faut éviter une explosion du taux de chômage", scénario dans lequel "les contraintes environnementales passeraient au second plan", avertit Xavier Ragot, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Peu de détails en revanche sur des projets économiques du gouvernement à plus long terme. Lundi soir, Emmanuel Macron est resté flou, même s'il a appelé à "rebâtir l'indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique française".

"Il nous faudra bâtir une stratégie où nous retrouverons le temps long, la possibilité de planifier, la sobriété carbone, la prévention, la résilience", a-t-il réclamé. 

400.000 emplois d'ici 2030

Pour des économistes et des ONG, cette crise doit être l'occasion de réorienter les investissements en faveur du climat, pour que la crise sanitaire ne débouche pas sur une crise environnementale et sociale encore plus profonde.

"Ce plan de sauvetage doit conditionner le soutien, qu'il soit apporté aux grandes entreprises comme au secteur financier, à une véritable transformation des secteurs clés d'activité et à une contribution à la transition écologique", plaide Véronique Andrieux, directrice générale de WWF France.

Contrairement à après 2008, "les solutions existent, nous avons des options en terme d'économie verte plus compétitives qu'avant et créatrices d'emplois", poursuit-elle.

L'Agence pour la maîtrise de l'énergie (Ademe) chiffre jusqu'à 400.000 emplois et 2% de croissance supplémentaires en 2030 ce que tirerait la France si elle appliquait sa Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), qui doit mener à la neutralité carbone en 2050.

Préserver les filières de l'économie bas carbone

Pour Benoît Leguet, directeur général de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), "il faudra relancer l'activité et préserver les filières de l'économie bas carbone qui sont plus structurées aujourd'hui, mais qui restent très dépendantes des incitations publiques", comme les énergies renouvelables, la rénovation thermique des bâtiments... I4CE chiffre à 7 milliards d'euros par an les besoins de financement public pour aller dans ce sens.

Seize députés ont demandé jeudi à ce que l'aide aux grandes entreprises soit conditionnée à une "réduction de leur empreinte écologique".

Pour peser dans les débats, la Convention citoyenne pour le climat (CCC), composée de 150 citoyens chargés d'élaborer des mesures pour lutter contre le changement climatique, en ont transmis 50 au gouvernement, en avance sur leur calendrier.

Le vert risque de se heurter aux impératifs économiques

Selon Le Monde, ils proposent de rénover 20 millions de logements, de développer les transports en commun et le vélo, de développer les circuits courts pour l'alimentaire ou encore de freiner la surconsommation. Leurs demandes risquent de se heurter aux acteurs des secteurs durement touchés par la crise. 

Le secteur aérien, exempté de taxe sur le kérosène, demande de nouvelles exceptions. Le gouvernement est prêt à voler au secours d'Air France, mais reste plus flou concernant la SNCF, durement touchée, même si le transport ferroviaire est plébiscité pour son faible impact sur le climat.

Des constructeurs automobiles demandent un moratoire sur les nouveaux quotas de CO2 à respecter dans l'Union européenne, selon la presse.

"Il y a eu une décennie perdue dans la lutte contre le réchauffement climatique. On ne peut pas se donner le luxe d'en perdre une de plus", avertit Patrice Geoffron.

TL avec l'AFP