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Courbe en U, en V, en W… Quels scénarios économiques pour l'après-crise?

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En s'appuyant sur les précédents historiques, les économistes et prévisionnistes tentent désormais de déterminer la courbe de l'activité mondiale, dans cette crise inédite. Voici les différents cas possibles pour les mois et années à venir.

La récession n'est plus une option. Et elle sera rude, c'est une certitude. Mais combien de temps durera cette crise? C'est la forme de la courbe, désormais, qui interroge. Un V? Un U? Un W? Tour d'horizon des principaux cas d'école. 

La courbe en V

Le scénario idéal. La chute sera retentissante mais la reprise toute aussi impressionnante. Si le confinement et l'arrêt de l'activité n'empêcheront pas la récession, l'idée est donc que l'activité reprenne aussi vite, sous l'impulsion des plans de soutien et de relance dans le monde entier. Cela implique aussi un retour à la normale sanitaire rapide pour éviter aux entreprises des défaillances et des licenciements massifs. Mais cette belle histoire dépend aussi de la reprise de l'activité chinoise, deuxième économie mondiale dont on peine à véritablement évaluer la situation actuelle, et de la reprise américaine. Donald Trump, en refusant un confinement rapide, joue à quitte ou double: si l'épidémie finit par s'éteindre, il aura réussi à maintenir une partie de l'activité. Si elle s'étend, comme cela semble être le cas, le confinement pourrait finalement arriver plus tard que prévu et prolonger la crise.

Les précédents : La récession de 1953, aux Etats-Unis, est un modèle du genre avec une chute brutale du PIB américain suivi d'un rebond tout aussi fort, dès le point bas atteint. Le soutien à l'économie permet d'éviter les dégâts.

Courbe en U

Le scénario du moindre mal. Après la lourde chute, l'activité mondiale va connaître un "plancher" qui pourrait durer jusqu'à la fin de l'année. Le déconfinement est alors progressif et le retour au travail prend finalement plus de temps qu'espéré. Les pertes d'emplois sont inévitables tandis que les entreprises, qui ont accumulé des prêts pour sauver leur trésorerie peinent encore à dynamiser leur activité. Il faudra donc encore quelques mois avant que le niveau d'activité ne retrouve son niveau d'avant-crise.

Les précédents : Déclenchée par le premier choc pétrolier, en 1973, la récession américaine va alors durer deux ans, avec une remontée progressive à partir de 1975.

Courbe en L

Le scénario catastrophe. La récession se transforme en dépression mondiale. Sans les plans de relance et d'aide des Etats et des banquiers centraux, c'est probablement le chemin que prendrait l'économie mondiale. Mais le scénario noir n'est pas encore évité. Encore faut-il que les risques d'épidémie soient écartés avant que les entreprises ne soient trop pénalisées. Si le confinement se prolonge jusqu'à l'été, la consommation mettra énormément de temps à soutenir l'activité et le mauvais engrenage ne sera pas impossible, malgré le soutien financier. Pour l'instant, ce n'est pas le scénario privilégié.

Les précédents : La récession en L, c'est l'exemple japonais après l'éclatement de la bulle spéculative en 1990. Avant cette date, le pays connaissait une croissance très vigoureuse (au-delà de 5% annuel), qu'il ne retrouvera jamais…

Courbe en W

Le scénario de la rechute. En clair, il s'agit d'une fausse reprise, principalement liée à une résurgence du coronavirus. Le confinement reprendrait et le rebond observé ne serait donc que temporaire. Il faudrait alors attendre 2021 pour espérer retrouver les niveaux d'avant crise. Le scénario est plausible. Et redouté, surtout s'il se transforme W/L.

Les précédents : En Europe, la crise financière de 2008, suivie de celle de la dette de la zone euro en 2012, montre un bel exemple d'une courbe en W. Après avoir remonté la pente en 2010, le PIB de la zone euro a de nouveau plongé en 2012, en raison des craintes sur la dette grecque. L'accord politique a permis de remonter la deuxième pente.

Courbe en W/L

Le scénario du faux espoir. La courbe est remontée, avant de chuter à nouveau. Mais au lieu de repartir vers le haut, elle va finalement stagner. Le W se transforme en L. Contrairement au scénario classique en L, qui devrait être évité grâce aux plans de relance, celui du W/L est plus dangereux car la reprise serait tuée dans l'œuf. Les banques ne pourraient plus garantir aussi longtemps de nombreuses entreprises au bord de la faillite. Avec un chômage de masse et une activité très ralentie, la spirale infernale mettrait des années à s'arrêter.

Les précédents : La situation russe de 2017 a des airs de récession en W/L. Après la récession de 2008, le PIB russe est remonté très haut en 2010 avant de replonger en 2016. La seconde remontée n'est pas à la hauteur des espérances, par la suite, avec une croissance bien plus faible que celle de 2010.

La courbe en virgule

Le scénario de la lenteur. Après l'épidémie, l'économie reprend doucement. Pas de rebond spectaculaire mais une reprise qui a des allures de la virgule de la marque Nike. Une sorte de courbe en U qui s'allonge, marquée davantage par la prudence des acteurs que par l'euphorie. La consommation reste modeste et, pour les entreprises, il s'agit encore de panser ses plaies. Là encore, le retour au niveau d'avant-crise est attendu pour 2021.

Les précédents : Le PIB indien a affiché une belle virgule, sans pour autant entrer en récession. La croissance est ainsi passée de 3% en 2009 jusqu'à 8,5% en 2011 avant de retomber à 5% l'année d'après. Il faudra près de 5 ans au pays pour flirter, de nouveau, avec les 8%.

Les autres courbes

Parce que l'économie réserve toujours des surprises, il n'est pas impossible qu'aucune de ces courbes ne se réalise. "C'est un cliché et c'est aussi un mauvais choix pour le covid-19" tranche même James Stuttard, responsable Macro chez Robeco. "Ce n'est pas parce que notre alphabet occidental existe depuis l'époque étrusque que ses lettres sont le meilleur guide économique. Les lettres V et W, avec leurs rebonds nets semblent appartenir à un monde de 1945 à 2007." Il propose d'ailleurs une reprise en… Bāʾ, la deuxième lettre de l'alphabet arabe. A chacun sa courbe, donc.

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Thomas Leroy et Louis Tanca