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Croissance américaine : un feu de paille ?

La croissance de l'économie américaine a été révisée en légère baisse au deuxième trimestre.

La croissance de l'économie américaine a été révisée en légère baisse au deuxième trimestre. - Mark Thompson - AFP

La dernière prévision du PIB américain pour le premier trimestre a surpris par sa vigueur. Mais il faut lire entre les lignes avertissent les analystes.

Encore une raison de jubiler pour Donald Trump. Ce vendredi est tombée la première estimation du PIB américain pour la période janvier à mars. Et le résultat est excellent, +3,2% en rythme annualisé, largement au-dessus des attentes des observateurs et même de la Maison blanche. Et ce, malgré le shutdown du mois de janvier et les tensions commerciales mondiales.

Pour autant, ce bon chiffre est le résultat de facteurs qui sont temporaires tandis que les fondamentaux inquiètent, avertissent les analystes.

« Ne nous réjouissons pas trop vite pour les Etats-Unis. Il faut regarder de près la composition de la croissance américaine. Elle dépasse les attentes car des facteurs temporaires jouent en sa faveur. L’augmentation des stocks emmagasinés par les entreprises et la baisse des importations au premier trimestre viennent en effet soutenir l’activité américaine : la demande étant identique, la réponse est apportée par la production interne. Si les entreprises stockent, cela signifie qu’elles s’apprêtent à diminuer leurs productions. Il faut s’attendre à un ralentissement dans les mois qui viennent », souligne ainsi Denis Ferrand, directeur général du centre d’études économiques Rexecode.

Fragilisation des entreprises

Un constat partagé par Hervé Goulletquer, stratégiste à la Banque Postale, Asset Management. « S’agit-il d’une « divine surprise » ? En fait non, car le poids de l’exceptionnel – des contributions très positives de la formation de stocks et des exportations nettes – dans la performance enregistrée est important »

Et d’épingler l’atonie de la demande interne, principale contributrice de la croissance. « La dynamique de la demande intérieure finale reflète sans doute de façon moins biaisée la performance de l’économie américaine en T1 2019 : +1,5% après +2,1% précédemment ».

« La demande interne, hors stocks, n’a contribué qu’à hauteur de 1,1 point à la croissance, ce qui est sa plus faible contribution depuis 2013 », ajoute Denis Ferrand.

Que faut-il en conclure ? Faut-il s’attendre à une baisse sensible de l’activité dans les prochains mois, ce qui confirmerait l’analyse de la Fed qui a décidé de repousser une hausse des taux à l’année prochaine ?

« Parier sur un rythme de progression du PIB d’entre 2% et 2,5% (toujours en rythme annuel et d’un trimestre à l’autre) semble raisonnable. Mais comment appréhender une telle projection ? Elle est certes supérieure à la performance de la demande intérieure finale de T1 (+1,5%) ; mais elle est inférieure à celle du PIB (+3,2%) », avance Hervé Goulletquer.

« Ce qu’il faut surveiller dans les mois à venir, ce sont les résultats puis les investissements des entreprises. L’année passée a été une année exceptionnelle pour elles grâce à la réforme fiscale mise en œuvre par Donald Trump. La croissance devrait ralentir dans les prochains trimestres et les entreprises américaines ne pourront pas, cette fois-ci, bénéficier des effets favorables de la réforme fiscale. Les Etats-Unis doivent faire attention à la fragilisation de leurs entreprises. Un ralentissement de la croissance, couplé à la hausse des salaires en raison de la pénurie d’emplois, peut peser sur leurs résultats », ajoute Denis Ferrand.

Jérémy BRUNO, Olivier CHICHEPORTICHE