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Dans 15 ans, les réserves financières des pays du Golfe risquent d'être épuisées

La baisse des cours du pétrole met sous pression les budgets des pays du Golfe

La baisse des cours du pétrole met sous pression les budgets des pays du Golfe - AFP

Cours du pétrole sous pression, déficits qui se creusent et dette publique qui explose... Les pays du Golfe vont devoir se réinventer rapidement s'ils ne veulent pas voir disparaître leur patrimoine financier.

Les pays producteurs de pétrole ne pourront bientôt plus compter uniquement sur l'or noir pour se développer. Le Fonds monétaire international (FMI) a averti que les pays arabes du Golfe, dépendants du pétrole, allaient devoir engager des réformes profondes sous peine de voir leurs richesses s'épuiser d'ici 15 ans, dans une étude publiée jeudi.

"Avec la situation budgétaire actuelle, la richesse de la région pourrait s'épuiser d'ici 2034", affirme le FMI dans cette étude sur "l'avenir du pétrole et la viabilité budgétaire" dans la région. Les États du Golfe, qui se sont enrichis pendant des décennies grâce aux revenus pétroliers, n'ont d'autre choix que d'accélérer et d'élargir les réformes économiques pour éviter de devenir des emprunteurs nets, ajoute l'institution internationale.

Le Conseil de coopération du Golfe (ou CCG, qui regroupe l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, Oman, le Qatar et le Koweït), assure un cinquième de l'approvisionnement mondial en brut et les revenus pétroliers représentent 70 à 90% de ses recettes publiques. Pendant près de deux décennies, jusqu'en 2014, les six monarchies ont accumulé quelque 2.500 milliards de dollars d'actifs financiers investis principalement à l'étranger par le biais de fonds souverains.

Une croissance devenue atone avec la baisse des cours

Mais la chute des prix du pétrole de 2014 a mis à mal les finances des pays du CCG, les forçant à emprunter et à puiser dans leurs actifs pour combler leur déficit budgétaire persistant. Pour rappel, le cours du baril de Brent tournait encore autour de 107 dollars en juillet 2014, avant de s'écrouler jusqu'à moins de 30 dollars en 2016 et de remonter depuis pour se négocier aujourd'hui à près de 55 dollars. La croissance du produit intérieur brut du CCG s'est effondré en conséquence: le FMI estime que celle-ci n'a atteint que 0,7% en 2019, contre un maigre 2% en 2018, loin des taux supérieurs à 4% d'avant la chute des prix.

Le marché mondial de l'énergie est quant à lui en mutation en raison de l'impact sur l'offre des nouvelles technologie et des préoccupations climatiques qui font que le monde se dirige vers les sources d'énergie renouvelables, constate l'institution. "Ces perspectives représentent un défi important en matière de viabilité budgétaire pour le CCG" qui doit, selon le FMI, s'adapter à la combinaison d'une demande et de prix faibles à long terme.

Une dette qui explose, tandis que les actifs financiers reculent

De 2014 à 2018, la richesse financière de la région est passée de 2.300 milliards de dollars à 2.000 milliards de dollars, selon les estimations de l'institution et la tendance est toujours à la baisse. La dette publique du CCG est passée d'environ 100 milliards de dollars en 2014 à près de 400 milliards de dollars en 2018. En effet, les revenus fiscaux de ces pays du Golfe, essentiellement liés aux ventes de pétrole, ne sont plus suffisants pour boucler les budgets. Par conséquent, au rythme actuel, la richesse financière nette du CCG pourrait devenir négative d'ici 2034, ce qui ferait de la région un emprunteur net, selon l'étude.

La plupart des États du CCG se sont lancés dans des programmes de diversification et de réformes économiques qui comprennent la réduction des subventions, l'augmentation des prix des carburants et même l'imposition d'une taxe sur la valeur ajoutée et d'autres formes de taxation. "Les réformes en cours conduisent le CCG dans la bonne direction, mais elles doivent s'accélérer", préconise le FMI.

Des mesures risquées politiquement

Une diversification des économies ne suffira pas, renchérit l'institution qui conseille une réduction des dépenses publiques et l'introduction d'autres impôts. Les pays du CCG doivent également réformer la fonction publique et réduire la masse salariale du secteur public, qui reste élevée par rapport aux moyennes d'autres pays.

La plupart des pays du Golfe, où la population est habituée aux largesses de l'Etat-providence, considèrent ces mesures comme sensibles et risquées au niveau politique. Les mesures proposées "auraient une multitude de conséquences socio-économiques affectant l'emploi, les revenus des ménages, ainsi que la confiance et les investissements des entreprises", admet le FMI.

JLD avec AFP