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"Davos du désert" 2019: Riyad tente de redorer son image, un an après le meurtre de Jamal Khashoggi

Riyad lance l'édition 2019 de son "Davos du désert". Un grand raout économique du régime saoudien à l'occasion duquel responsables politiques de premier plan et patrons de multinationales se réunissent.

L'idée de départ est claire. Montrer aux leaders mondiaux que l'Arabie saoudite incarne aujourd'hui une économie à la fois dynamique et attrayante pour les investissements étrangers. Trois jours durant à Riyad – et sous le haut patronage du prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed Ben Salmane, alias "MBS" – se tiendra donc le FII (le Future Investment Initiative), cet événement annuel destiné à afficher le pays sous son meilleur jour.

Mais cette édition 2019, avant même son ouverture, est déjà observée à la loupe par les hautes sphères du monde entier. Notamment parce que l'an passé, l'événement a été marqué par un boycott à la suite du meurtre de Jamal Khashoggi. Le 2 octobre 2018, ce journaliste et figure médiatique avait été assassiné au consulat saoudien d'Istanbul par un commando d'agents au service de Riyad. Un meurtre qui avait provoqué une onde de choc mondial. 

L'affaire avait considérablement terni l'image de réformateur de Mohammed ben Salmane, dont la responsabilité a directement été mise en cause par l'ONU, alors que le prince héritier se veut le promoteur d'une Arabie saoudite ouverte à l'économie mondialisée.

Du roi de Jordanie au patron de SoftBank

Pour cette nouvelle édition, les autorités ont donc décidé de voir grand. 300 participants en provenance de 30 pays sont notamment attendus pour assister au fameux FII. Le conseiller et gendre du président Donald Trump, Jared Kushner, considéré comme un proche du prince héritier, est attendu au côté des secrétaires américains au Trésor, Steven Mnuchin, et à l'Energie, Rick Perry, selon le site du FII. Le Premier ministre indien Narendra Modi, le président brésilien Jair Bolsonaro, le roi Abdallah II de Jordanie et plusieurs chefs d'Etat africains devraient également intervenir.

Parmi les participants, figurent également les PDG de Blackstone Group et de SoftBank Group, deux sociétés de gestion d'actifs de premier plan, ainsi que les présidents des fonds souverains du Koweït, des Émirats arabes unis, de Singapour et de la Russie.

"Le FII de cette année est très différent de celui de l'an dernier. La menace de sanctions qui pèse sur l'Arabie saoudite en raison de son bilan en matière de droits de l'homme, qui a conduit à des boycotts l'année dernière, est désormais révolue", a déclaré à l'AFP Ryan Bohl, du centre de réflexion américain Stratfor. "Beaucoup de responsables cette année n'ont aucun scrupule à se rapprocher de l'Arabie Saoudite", a-t-il estimé.

Aramco au cœur de toutes les attentions

Cette année, c'est surtout l'entrée en bourse très attendue, et maintes fois reportées, du géant pétrolier public Aramco qui devrait susciter toutes les attentions. Le royaume, premier exportateur mondial de brut, prévoit d'introduire en Bourse jusqu'à 5% du capital de l'entreprise la plus bénéficiaire au monde, ce qui, selon les analystes, pourrait valoir entre 1.500 et 2.000 milliards de dollars.

"De nombreux observateurs internationaux ainsi que la plupart des participants accorderont plus d'attention à l'introduction en Bourse retardée d'Aramco qu'aux conséquences de l'affaire Khashoggi", a confirmé à l'AFP Steffen Hertog, professeur associé à la London School of Economics.

Les retombées mondiales de l'assassinat de Khashoggi ont mis à l'épreuve les alliances traditionnelles du royaume avec les puissances occidentales et jeté une ombre sur l'ambitieux programme de réformes du prince héritier visant à sevrer le royaume de sa dépendance au pétrole.

Des visas touristiques délivrés, une première

La CIA aurait conclu que le prince héritier, dirigeant de facto du pays ultra conservateur, a probablement ordonné ce meurtre sanglant. Dans une interview à la télévision américaine, l'intéressé a dit accepter d'endosser la responsabilité de cette affaire, parce qu'elle s'est produite "sous (son) règne". Il a toutefois nié avoir ordonné le meurtre. Certaines grandes entreprises internationales chercheront à éviter tout risque de mauvaise réputation et donc le faste de la grande conférence FII, mais poursuivront sans doute les négociations dans l'ombre, selon les observateurs.

Après le scandale de l'affaire Khashoggi, le gouvernement saoudien a renforcé sa politique d'ouverture à la culture et aux divertissements en accueillants des concerts spectaculaires de stars internationales, en assouplissant les restrictions aux droits des femmes et en délivrant pour la première fois des visas touristiques.

Mais Ryad peine encore à attirer les investissements étrangers dont elle a besoin, surtout depuis la répression de 2017, lorsque le somptueux hôtel Ritz-Carlton, qui abrite le FII, a été transformé en prison cinq étoiles pour des centaines de chefs d'entreprise saoudiens et certains membres de la famille royale.

J.C-H avec AFP