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Dérive du pouvoir au Vietnam : quand le chef de l'Etat se prend pour Xi Jinping

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- - AFP/Hoang Dinh Nam

Le Vietnam calque le modèle Xi Jinping. Comme en Chine, le chef de l’Etat vietnamien concentre à présent la totalité des pouvoirs.

Une sorte de dérive est en marche. Comme en Chine, c’est la fin de la collégialité au sommet du Parti communiste vietnamien (PCV). Le 22 octobre, son secrétaire général Nguyen Phu Trong doit également être désigné président de l’Etat, avec les compétences de chef des forces armées et de police. Hormis une parenthèse de quelques mois en 1986, aucun autre responsable depuis Ho Chi Minh n’a pu concentrer de la sorte l’ensemble des fonctions suprêmes.

Jusqu’ici, le pouvoir se partageait au sein d’un quatuor : le secrétaire général du parti, le président de l’Etat, le premier ministre et le président de l’Assemblée nationale. Parfois plus, parfois moins, mais tout ne procédait pas d’un seul homme… Même si de l’avis de différents experts, le futur chef de l’Etat avait déjà pris largement pris le dessus sur ses pairs.

Autre parallèle marquant avec l’ascension du président chinois Xi Jinping, le recours à une campagne anti-corruption radicale, visant certaines des plus hautes sphères du système. Un universitaire australien raconte ainsi comment le précédent président, mort le mois dernier, s’était rangé derrière le secrétaire général du parti lorsque celui-ci s’en était pris à des généraux du tout puissant ministère de la Sécurité publique qu’avait auparavant dirigé le président.

Même approche économique qu’à Pékin

Ne rien céder sur la primauté politique absolue du parti tout en poursuivant une industrialisation d’ambition mondiale. L’Etat vietnamien, à son échelle, développe une approche identique à celle de l’Etat chinois. A l’heure où le comité central du PCV a désigné, à l’unanimité Nguyen Phu Trong, le ministère du Plan a expliqué que l’afflux exceptionnel d’investissements directs étrangers est en train de permettre au pays d’accéder aux meilleures technologies de pointe.

Jeudi, la Banque mondiale a fixé à 6,5% le rythme de croissance de l’économie pour les deux ans à venir, renforçant le statut acquis de locomotive industrielle et commerciale de l’Asie du Sud-Est. C’est sur la poursuite de cet élan économique qu’ensuite, en 2021, va intervenir le congrès du PCV, au cours duquel se confirmera ou bien s’infirmera l’étendue des pouvoirs du président Trong.

Toutefois, d’ici là, cela risque de ne pas se dérouler sans heurts du fait, notamment, de la relation économique avec la Chine. En juin dernier, des manifestations populaires ont pu avoir lieu contre une loi permettant d’attribuer des zones économiques spéciales à des entreprises chinoises, avec des baux de 99 ans. Le parti n’a pas forcément surmonté ces divisions sur le sujet… 

Les bienfaits de la guerre commerciale pour le Vietnam

Un quotidien économique dépendant du ministère vietnamien de l’Information écrit que la guerre commerciale entre Washington et Pékin va probablement réorienter les flux de production vers le Vietnam. A l’appui de sa thèse, l’article cite, entre autre, le chef du bureau à Hanoi de l’Organisation japonaise du commerce extérieur, qui dit une volonté d’y augmenter la localisation de fabricants du Japon.

Et puis, le transfert de certaines activités de Chine vers le Vietnam paraît d’autant plus aisé qu’il n’intéresse pas le président américain Donald Trump. Un gérant d’actifs, basé à Ho Chi Minh Ville et à Londres, explique que malgré 40 milliards de dollars d’excédent annuel avec les Etats-Unis, les exportations du Vietnam sont encore perçues comme trop « bas de gamme » pour que l’Amérique y prête attention… Pour le moment, en tout cas.