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Embarras stratégique en Chine : quand son avion de chasse vole avec un moteur russe...

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Leur avion chasseur furtif devait être présenté, au principal salon aéronautique national (du 6 au 11 novembre) avec sa motorisation de série... Impossible.

Le Chengdu J-20 (littéralement « l’anéantisseur 20 », surnommé le « puissant dragon ») a réalisé mardi, une apparition de 6 minutes, en ouverture de la 12è édition du Zhuhai Air Show, l’événement où l’armée de l’air chinoise expose avec fierté ses armements les plus avancés. Un média d’Etat évoque dans son récit un « spectacle de ballerines »... « C’était impressionnant, mais trop court », selon des témoins cités.

L’explication de cette présentation réduite à son minimum est fournie par une source militaire à Pékin, dans un journal de Hong Kong, le South China Morning Post : les appareils ont dû voler avec d’anciens moteurs russes, celui que devait fournir l'équipementier national Xian, le WS-15, n'étant toujours pas au point, jugé « encore très instable ». Les ingénieurs ne seraient pas parvenus à identifier la source principale des problèmes.

C’est donc susceptible d’empêcher que l’ensemble du plan de fabrication de l’avion de combat furtif de dernière génération puisse commencer d’ici à la fin de l’année. La source militaire chinoise juge l’affaire « très embarrassante », parce que cela devrait contraindre à recourir au plus vite à l’aide des Russes, une fois encore.

Entre les mains de l’industrie russe

Le type de déconvenue que connaît le J-20 n’a, somme toute, rien d’exceptionnel – l’équivalent aux Etats-Unis, le F-35, a subi de nombreuses années de retard. Mais le chasseur furtif américain possède quand même un temps d’avance considérable : il est en cours de déploiement en Asie-Pacifique et la Corée du Sud doit prendre livraison de 40 exemplaires cette année. Cela a amené l’armée chinoise à réclamer d’urgence l’accélération de l’entrée en service de son avion.

Faute de moteur national, il ne reste en réalité qu’une solution russe. Autrement dit, cela revient à prolonger une dépendance stratégique vis-à-vis d’une grande puissance extérieure. La source à Pékin explique que les relations avec Moscou sont « actuellement amicales », tout en posant une double-question d’ordre stratégique : comment faire alors si les relations venaient à se dégrader ou bien que la Russie entrait en guerre avec une autre nation ? Faute d’équipement chinois adéquat, il faut de toute façon courir ce risque double… 

La reconnaissance à Pékin de la persistance d’une dépendance technologique militaire à la Russie n’a échappé à personne en Asie. Un expert indien au DFI (New Delhi) la relève en constatant « un échec aux tests de fiabilité ». Donc, au-delà d’une défaillance technique, un aspect du prestige national chinois ressort écorné du salon de Zhuhai.

Réacteur étranger dans le civil, aussi ?

A l’heure où la Chine entend développer une industrie aéronautique au rang de celle des Américains et des Européens, l’indépendance en matière de motorisation civile semble aussi loin d’être acquise. A Zhuhai, l’un des concepteurs du futur avion long-courrier civil sino-russe CR-929 a fait savoir que les réacteurs de l’americain GE et du britannique Rolls Royce apparaissent comme les mieux placés pour équiper l’appareil, même si motoristes russe et chinois y travaillent également.

Dans un message lu à l’ouverture du salon, le président Xi Jinping a affirmé que la conception de son pays est de « toujours veiller à coopérer avec d’autres pays afin de promouvoir le développement des techno aéronautiques ». Alors, si l’on suit son raisonnement, il n’y aurait pas vraiment dépendance mais partenariat.