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Angela Merkel va-t-elle pouvoir terminer son mandat?

La chancelière Angela Merkel après son dernier discours comme présidente de l'Union chrétienne démocrate ce vendredi 7 décembre à Hambourg.

La chancelière Angela Merkel après son dernier discours comme présidente de l'Union chrétienne démocrate ce vendredi 7 décembre à Hambourg. - ODD ANDERSEN / AFP

C'est une chancelière très affaiblie sur le plan politique qui retrouve ce mercredi Emmanuel Macron pour un sommet franco-allemand à Toulouse. Les échéances s'annoncent d'ailleurs compliquées pour elle d'ici la fin de l'année.

Ce mercredi, Angela Merkel retrouve Emmanuel Macron en marge du traditionnel Conseil des ministres franco-allemand qui prend ses quartiers à Toulouse. Ensemble, ils iront notamment visiter la chaîne d'assemblage de l'Airbus A350, alors que le constructeur européen fête ses 50 ans cette année. Le président français et la chancelière allemande en profiteront, par la suite, pour évoquer la guerre commerciale et principalement les sanctions américaines contre l'Union européenne.

Le sujet est sensible et les réponses diffèrent. Alors que Bruno Le Maire, offensif, a promis de répondre "de façon ferme" à d'éventuelles sanctions américaines, Angela Merkel se contente de constater, défaitiste, un échec de l'Europe dans ce dossier. 

Il faut dire qu'en Europe comme dans son propre pays, la chancelière a perdu de sa superbe. Et la fin d'année pourrait même s'avérer compliquée pour elle, au point qu'un départ anticipé n'est pas à exclure, alors que son mandat est censé s'achever en 2021.

Bientôt la récession?

D'abord parce que, depuis l'été dernier, la santé d'Angela Merkel est devenue un sujet de discussions. Les images de ses tremblements lors de plusieurs manifestations officielles où le protocole l'obligeait à rester debout et immobile, ont semé le doute sur sa capacité à tenir le gouvernail d'une Allemagne dont l'économie n'est plus aussi vaillante que par le passé. La locomotive allemande est sévèrement grippée. La première économie européenne pourrait même officiellement tomber en récession technique (deux trimestres consécutifs de contraction du PIB) d'ici la fin de l'année.

Sur le plan politique, les nuages s'amoncellent également. Les dernières élections européennes de mai ont été un véritable avertissement pour le parti d'Angela Merkel, la CDU (Union chrétienne-démocrate). Bien que toujours en tête des scrutins, il a perdu beaucoup de plumes au profit de l'extrême-droite (AfD) et des verts. Les élections régionales de septembre dernier, en Saxe et en Brandebourg, affichent les mêmes dynamiques. Dans ces deux Länder, la CDU a perdu environ 7% des voix par rapport au précédent scrutin.

Le 31 octobre prochain, les élections en Thuringe s'annoncent encore plus préoccupante tant pour la grande coalition formée au niveau fédéral entre son parti et les sociaux-démocrates (SPD). La gauche radicale de Linke et l'extrême-droite de l'AfD sont annoncés comme les deux probables vainqueurs selon les derniers sondages. La CDU qui y dominait en 2015 avec 40% des intentions de vote, ce land en 2015, pourrait n'obtenir que 23% des suffrages à la fin du mois. Un coup de tonnerre qui pourrait précipiter la chute de celle qu'Angela Merkel a adoubé en décembre dernier à la tête du parti, Annegret Kramp-Karrenbauer (surnommée "AKK"). Ministre de la Défense depuis le départ annoncé d'Ursula von der Leyen pour Bruxelles, elle été désavouée, le weekend dernier, par la fédération des jeunes de la CDU qui a voté une motion en faveur de primaires pour la succession de la chancelière.

Un tournant majeur pourrait aussi avoir lieu en décembre prochain avec le congrès du SPD qui devra se positionner sur la suite à donner à la coalition, formée à son corps défendant avec la CDU en mars 2018. Cette fragile union est-elle encore tenable? L'affaiblissement électoral du SPD, tout comme celui de la CDU, ne plaide pas en faveur de son maintien. Selon le quotidien allemand Handelsblatt, un premier bilan sera effectué le 23 octobre prochain.

Vers la fin du "Schwarze Null"?

Mais d'autres sujets renforcent les tensions. Depuis le début du mois, une réforme sur les retraites agite la politique nationale mais c'est surtout le débat sur la relance budgétaire qui secoue l'Allemagne. Dans un environnement de taux bas, Berlin doit-elle se décider à emprunter? "Nein" a répondu la chancelière après un débat interne au sein du gouvernement. Mais l'étau européen se resserre pour faire bouger les lignes. C'est la position future du SPD, dont les dirigeants sont pour l'instant encore attachés au "Schwarze Null" (principe du zéro déficit), qui pourrait bien mettre à mort la coalition. Un sondage réalisé en début de semaine montrait qu'une large majorité des sympathisants SPD (70,9%) est prête à renoncer à ce principe en cas de difficultés économiques.

De quoi rendre les mois à venir plus difficiles pour Angela Merkel. "Elle peut tout à fait être poussée vers la sortie avant la fin de son mandat en 2021" expliquait en août dernier sur BFM Business Henri Ménudier, professeur honoraire à Sorbonne Nouvelle, spécialiste de l’Allemagne. Mais ce serait oublier la résilience de cette femme d'Allemagne de l'Est, en poste depuis 2005, et qui entend bien remettre son pays sur les rails avant de finalement passer la main.

Thomas Leroy