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Thierry Breton promet qu'il sera "radical" pour éviter les conflits d'intérêts

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Lors de son audition devant les eurodéputés, le candidat français à la Commission européenne s'est montré offensif face aux questions concernant ses anciennes fonctions à la direction d'Atos.

A la suite du rejet de la candidature de Sylvie Goulard, Thierry Breton devait déminer le terrain lors de son audition ce jeudi devant les eurodéputés. Le candidat avait déjà pris les devants en annonçant la cession de la totalité de ses actions Atos, l'entreprise qu'il présidait avant d'être le candidat de la France au poste de commissaire européen (en charge du marché intérieur, de l'industrie, de la recherche et de l'énergie). De la même façon, il avait abandonné ses mandats dans divers conseils d'administration.

Mais lors de son audition de trois heures, certains eurodéputés n'ont pas manqué de lui rappeler les risques de conflits d'intérêts, compte tenu de son portefeuille qui couvre plusieurs secteurs directement en lien avec son ancienne entreprise comme le numérique et la politique industrielle.

L'ancien ministre s'est montré offensif et ferme en promettant d'être "radical" pour éviter ces conflits d'intérêts. "Il n'y a qu'une seule solution, être radical. Je dis bien radical", a expliqué le Français. Il a indiqué son intention de se récuser des sujets qui toucheraient directement Atos comme "des contrats, des relations financières", qu'il n'aurait pas "à connaître".

Il ajoute qu'il ne recevra jamais seul un membre d'une entreprise qu'il a dirigée. Si Atos est impliqué dans des questions de concurrence ou de rachat, il promet donc de ne pas intervenir.

Mais de manière plus globale, il a exclu de s'éloigner des questions portant sur les secteurs sur lesquels évolue Atos, comme l'intelligence artificielle, la cybsersécurité ou les supercalculateurs. 

"Je ne vais pas me déporter du secteur, ce serait une aberration", a-t-il dit. "Je serai commissaire sur l'ensemble du portefeuille".

"Il y a un certain nombre de flux entre l'entreprise que j'ai dirigée" et son futur poste à la Commission, "pas énorme du reste", a reconnu Thierry Breton. Et de rappeler que sa mission sera de défendre "le seul intérêt général européen", pas un pays ou une entreprise.

Mais "le règlement l'a parfaitement prévu", a-t-il ajouté, citant le code de conduite des commissaires européens. "Quand on a eu plusieurs vies en une vie et qu'on peut se présenter devant vous ici et aujourd'hui, c'est que la notion de conflit d'intérêts et d'éthique est un sujet que l'on porte au plus profond de soi", a-t-il plaidé. "J'entends les interrogations de ceux qui pensent que parce que j'ai exercé des responsabilités dans telle ou telle entreprise, je pourrai éventuellement un jour, potentiellement, les privilégier. Cette éventualité est strictement impossible", a-t-il assuré.

Thierry Breton a également présenté un justificatif prouvant que ses actions Atos ont bien été vendues (pour 45 millions d'euros) et remises sur le marché. "Je me présente donc aujourd'hui devant vous sans plus aucun intérêt patrimonial dans aucune entreprise", a-t-il assuré.

Il annonce également qu'il touchera sa retraite issue de sa carrière chez Atos après son mandat de commissaire. 

Des déclarations qui n'ont pas convaincu certains eurodéputés. "Votre nomination est un mélange des genres qui crée de la confusion", a lancé l'écologiste Marie Toussaint, soulignant qu'il existait un "parfait chevauchement" entre les activités d'Atos et celles qu'il serait amené à conduire en tant que commissaire.

Le député de la gauche radicale (GUE) Manuel Bompard a lui estimé que Thierry Breton était incapable de garantir que ses "activités passées n'influeront pas (ses) activités à venir".

Les députés se prononceront dans la soirée pour valider ou pas cette candidature. Le PPE (droite), premier parti européen, qui avait torpillé la candidature de Sylvie Goulard, est cette fois-ci favorable à sa candidature. C'est un atout essentiel pour la candidature du Français.

Un vote très politique

La validation d'un commissaire européen est en effet en grande partie politique et dépend notamment du rôle du Parti populaire européen (droite), le parti qui comprend le plus d'eurodéputés. L'atout de Thierry Breton est sa participation à un gouvernement de droite, sous Jacques Chirac. L'homme est donc à la fois connu des Républicains mais aussi des anciens de l'UMP, passés sous l'étiquette LREM. De la même façon, Thierry Breton devra obtenir des votes décisifs dans le groupe Socialistes et démocrates.

S'il se retrouvait bloqué à cette étape, l'Union européenne entamerait alors une crise institutionnelle profonde. Et pour Emmanuel Macron ce serait probablement une perte de crédit importante sur la scène européenne.

TL et OC avec AFP