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Et si l’Europe s’affranchissait du dollar ?

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- - NOEL CELIS / AFP

La nouvelle offensive américaine contre l’Iran fait fortement réagir les européens, au points que le ministre allemand des affaires étrangères leur propose un système d’échanges bancaires souverain, libéré du dollar.

Le social-démocrate allemand Heiko Maas réclame que les européens instaurent leur propre système interbancaire de paiements internationaux, un canal indépendant des Américains pour régler les transactions de pays à pays. Aujourd’hui c’est le réseau SWIFT qui est en vigueur. Il a beau être basé en Belgique et, en théorie, diplomatiquement neutre, à chaque fois que les Etats-Unis ont exigé - seuls ou non - le blocage des transferts, SWIFT s’y est plié.

Le 4 novembre prochain, sur sommation américaine, le réseau devrait donc de nouveau exclure toute relation avec les établissements iraniens, du fait du rétablissement des sanctions américaines. Le ministre allemand des Affaires étrangères a jugé que cette décision attendue va porter atteinte à la « souveraineté » de l’Europe dans ses politiques commerciale, économique et financière. Le ministre français des Finances a tenu des propos à peu près identiques estimant qu’un outil européen indépendant, alternatif au système SWIFT, permettrait à l’Europe d’éviter d’être la « victime collatérale des sanctions extraterritoriales américaines ». Bruno Le Maire a confirmé lundi une volonté commune franco-allemande de travailler à cet instrument.

La chancellerie allemande prudente

A Téhéran, une chaîne d’information étatique iranienne a détaillé ces propos européens en concluant qu’allemands et français envisageaient bel et bien ce système de transaction indépendant. Mais c’est sans doute aller un peu vite en besogne. A Berlin, la chancellerie a exprimé de « sérieuses réserves ». Angela Merkel estime par exemple que SWIFT reste « crucial » aujourd’hui pour lutter contre le financement du terrorisme. Cela n’empêche pas qu’au sein de la CDU, le parti conservateur de la chancelière, des voix aillent dans le sens du ministre social-démocrate des affaires étrangères.

Le porte-parole pour la politique étrangère du parti au parlement juge « intéressante » la proposition de Heiko Maas tout en soulignant que c’est d’abord l’intensité des relations commerciales avec les Etats-Unis qui justifie le maintien du système SWIFT en vigueur depuis plus de quarante ans.

Plutôt renforcer l’Euro

Les commentaires des grands éditorialistes de la presse allemande vont dans ce sens. Le principal journal économique allemand parle ce mercredi d’un « rêve » de Heiko Maas. Un ancien directeur général du ministère de l’Economie à Berlin explique qu’il y a plus efficace que de tenter de monter un réseau parallèle : plutôt créer un intermédiaire spécial, estampillé UE, pour le commerce avec l’Iran.

Les paiements pourraient être directement compensés en Euro via la Banque centrale européenne. Un traitement plus agile, sans chercher à bâtir une deuxième infrastructure qui, immanquablement, alourdirait les coûts de transaction pour les entreprises.

Un éditorialiste allemand de premier plan dans le débat européen pense lui que de toute façon ce n’est pas un « bricolage » tel que celui proposé par le chef de la diplomatie allemande qui va forger pour l’Euro un statut international comparable à celui du Dollar. Pour lui il s’agit d’abord de repenser l’union économique et monétaire, de lui donner enfin plus de solidité et une existence propre, pour faire de cette puissance économique un réel outil de souveraineté. Mais on sait que la chancelière allemande n’est pas prête de s’engager sur ce chemin là.

Benaouda ABDEDDAIM