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Et si une saucisse faisait capoter le traité transatlantique?

Les Allemands craignent que la saucisse de Nuremberg soit sacrifiée sur l'autel de la mondialisation.

Les Allemands craignent que la saucisse de Nuremberg soit sacrifiée sur l'autel de la mondialisation. - Heinrich Böll Stiftung - Wikimedia – CC

La saucisse de Nuremberg, spécialité charcutière à l'appellation protégée en Europe, est devenue le symbole de la méfiance allemande grandissante envers le traité de libre-échange entre Etats-Unis et UE.

"Si nous voulons saisir toutes les opportunités de libre-échange avec l'énorme marché américain, toutes les saucisses ne pourront être protégées". Cette déclaration du ministre allemand de l'Agriculture Christian Schmidt, rapportée par le Spiegel le 6 janvier, a mis le feu aux poudres et révélé la défiance grandissante en Allemagne contre le traité de libre-échange euro-américain actuellement en négociations.

Les partisans de ce traité, discuté dans le plus grand secret, expliquent qu'il a pour but d'harmoniser les normes réglementaires de part et d'autre de l'Atlantique, et de faire tomber les dernières barrières douanières qui amputent le commerce entre les Etats-Unis et l'Union européenne.

Un traité qui favorise les multinationales

Ses détracteurs, eux, dénoncent l'opacité des négociations, et craignent une dégradation des normes sociales et environnementales, la généralisation des OGM, moins de protections des données… Bref, une déréglementation généralisée. Ils redoutent en outre que le traité favorise les multinationales, au détriment des petits producteurs et des consommateurs.

Symbole de ces peurs donc, une charcuterie produite en Bavière, protégée en tant que spécialité régionale par l'UE: la saucisse de Nuremberg. Ses producteurs, ceux d'autres aliments bénéficiant d'appellation, des politiciens et des militants allemands ont interprété la déclaration du ministre de l'Agriculture Christian Schmidt, comme un aveu que les marques régionales seraient "sacrifiées sur l'autel de la mondialisation", relate le Financial Times (article payant) ce 7 janvier.

"Les spécialités régionales doivent rester des spécialités régionales. Nous ne voulons pas d'une 'Nürnberger Rostbratwurst' du Kentucky et d'un whisky de Baden Baden produit dans le Tenessee", s'est ainsi insurgée Anne Vollmer, la porte-parole d'un lobby de l'industrie alimentaire et des boissons allemande.

"Se débarrasser des pesanteurs de la démocratie"

Le tollé a été tel outre-Rhin que l'entourage du ministre allemand a dû clarifier les propos de ce dernier. "Avec lui, il n’y aura pas de saucisse de Nuremberg fabriquée dans le Kentucky", a-t-il assuré au Spiegel. Les règlementations européennes pour la protection des spécialités traditionnelles et régionales en Europe doivent être prises au sérieux. Mais "elles devraient aussi être débarrassées des pesanteurs de la bureaucratie", a-t-il précisé.

En Allemagne, 70 aliments et boissons bénéficiaient d'une appellation protégée en 2010, selon le Financial Times, contre 170 en France. Mais ces produits généraient plus de revenus: 3,3 milliards d'euros outre-Rhin, contre 3 milliards pour ceux de l'Hexagone.

Le TTIP, pour Transatlantic Trade and Investment Partnership, est négocié depuis juillet 2013 à huis clos par la Commission européenne et les représentants américains. Les discussions sont censées aboutir en 2015. Il reviendra in fine au Conseil et au Parlement européens d'approuver ou non l'accord. 

Nina Godart
https://twitter.com/ninagodart Nina Godart Journaliste BFM Éco