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Exclusif : De Beers démonte l’affaire des diamants russes

Philippe Mellier, le patron de De Beers, dément le caractère "nouveau et exceptionnel" de la découverte de gisement de diamants russes

Philippe Mellier, le patron de De Beers, dément le caractère "nouveau et exceptionnel" de la découverte de gisement de diamants russes - -

Des scientifiques sibériens ont communiqué cette semaine sur ce qu’ils affirment être une mine de diamants exceptionnelle, découverte il y a quarante ans. Un gisement qui n’a rien de secret pour Philippe Mellier, patron du leader mondial de la joaillerie.

Des pierres dont les particularités seraient susceptibles de provoquer une révolution industrielle, trouvées en quantités immenses au fond d’un cratère de météorite vieux de 35 millions d’années… Les informations distillées le 18 septembre par l’institut de géologie et de minéraux de Sibérie avaient de quoi faire du bruit. Mais la découverte serait, du point de vue de Philippe Mellier, patron du joaillier De Beers, largement survendue.

Selon les géologues russes, cette réserve, appelé gisement de Popigaï, a été gardée secrète depuis les années 1970 parce que la Russie s’était lancée à l’époque dans la production de diamants synthétiques. Première surprise pour Philippe Mellier, qui affirme de son côté que "tout le monde connaissait l’existence de ce cratère", qu’il n’y a "aucun caractère secret là-dedans".

En fait de diamant, une autre forme de carbone solidifié

Les scientifiques de l’institut sibérien indiquent également que les pierres de cette mine sont dotées de qualités exceptionnelles, comme une dureté deux fois supérieure à celle des cailloux traditionnels. Des propriétés qui les rendent très attractifs pour un usage industriel, dans le forage ou l’aéronautique par exemple. Mais là encore, le patron de De Beers s’interroge : "Ce n’est pas du diamant qu’on a retrouvé à Popigaï, mais du « lonsdaléite »". Ce nom technique désigne la troisième forme de carbone solidifié, avec le diamant et le graphite.

Nikholaï Poukhilenko, le directeur de l’institut Sobolev, qui étudie les pierres de ce gisement, a indiqué aux journalistes que les réserves en carat retrouvées au fond du cratère sont 110 fois supérieures aux réserves mondiales de diamants. "A ce jour, les 0,3 % du cratère explorés donnent déjà 147 milliards de carats, quand les réserves mondiales à ce jour sont estimées à 5 milliards de carats", s’enthousiasme-t-il.

Une exploitation pas rentable

Philippe Mellier reconnaît de son côté que le minéral de Popigaï a été trouvé en "quantités importantes", et que ses propriétés sont certes "assez rares dans la mesure où l’on ne peut le retrouver qu’au bord des cratères creusés par les météorites, c’est le produit de la chaleur exceptionnelle dégagée au moment de l’impact". Mais de là à l’exploiter dans ces conditions, il émet de sérieuses réserves…

"Personne n’ira jamais le chercher parce que ça coûterait beaucoup trop cher". Le PDG du leader mondial de la joaillerie indique que le diamant industriel ne vaut rien aujourd’hui, pas plus de "0,15 dollars le carat" quand un diamant destiné à la joaillerie peut atteindre les 2500 dollars le caratIl ajoute qu’il s’en produit "Quatre à cinq milliards de carats chaque année pour l’industrie". Ainsi, il en est convaincu "personne n’ira investir au cœur de la Sibérie pour le sortir de terre".

Réunis avec d’autres industriels du diamant au congrès mondial de Hong Kong ces jours-ci, Philippe Mellier et ses homologues "se demandent bien pourquoi cette histoire est revenu à la Une".

Nina Godart et Stéphane Soumier