BFM Business
International

Fed : les marchés déçus mais « c’est un mal pour un bien »

Le CAC 40 étale avant la Fed

Le CAC 40 étale avant la Fed - AFP

Le ton pas si accommodant que ça de la banque centrale américaine a secoué Wall Street et provoqué une flambée du dollar. Mais pour les analystes, l’analyse de la Fed est réaliste donc justifiée.

Sans surprise, la Fed a annoncé ce mercredi une hausse de ses taux directeurs a minima (25 points de base ce qui les ramène dans une fourchette comprise entre 2% et 2,25%) malgré la pression de Donald Trump qui exigeait une « baisse d’ampleur » et des marchés qui exigent toujours plus de taux bas.

On l’a dit, la banque fédérale n’avait pas de raisons conjoncturelles d’aller dans ce sens avec une économie américaine robuste, une vision d’ailleurs confirmée par la Fed . Outre la faiblesse de l’inflation, la Fed est plus dans une démarche assurantielle, à savoir plutôt prévenir que guérir, dans un contexte de guerres commerciales et de ralentissement mondial.

Et Jerome Powell l’a bien précisé dans son commentaire. « Une réduction de taux est un ajustement monétaire de milieu de cycle » a-t-il assuré. Et s'il a laissé entendre qu'une nouvelle baisse était possible, « la décision actuelle de réduire les taux est différente d'un début d'un long cycle de réduction » a-t-il assuré même si la Fed « continuera à surveiller les informations à venir et agira si nécessaire pour soutenir la croissance ».

Les marchés qui pariaient sur au moins deux baisses cette année et plusieurs autres en 2020 ont assez mal pris la nouvelle. Comme le fait que deux membres du comité de la Fed se soient prononcés contre cette baisse. Le Dow Jones, le S&P 500 et le Nasdaq ont perdu plus d’1%, et le dollar, qui aurait dû baisser, s’est au contraire apprécié de presque 1% contre l’euro.

Attentes déraisonnables

Le marché a donc bien lu le FOMC comme plus restrictif qu’attendu. « Si la réaction du marché est négative c’est probablement un mal pour un bien. Il est très probable que la Fed baisse ses taux de nouveau d’ici la fin de l’année et elle sera là pour soutenir l’économie et les marchés en cas d’accident. En revanche le positionnement du marché jusqu’avant le FOMC semblait déraisonnable avec 4 baisses attendues sur un an. S’il ne faut jamais dire jamais avec une banque centrale, les conditions économiques actuelles ne justifient pas 4 baisses, et à ce titre les attentes du marché sont maintenant plus saines et plus conformes à la réalité », commente Stéphane Deo, stratégiste à la Banque Postale, Asset Management.

Reste que cette réaction est restée modérée et les indices européens sont dans le vert ce jeudi matin. « Je considère toujours les réactions épidermiques du marché avec du recul parce que sa première réaction est souvent la mauvaise », a dit Jeff Mortimer (BNY Mellon Wealth Management).

« Peut-être certains attendaient plus de la Fed (...) mais il il ne manque pas d'acheteurs pour récupérer tout ce qui a été vendu », poursuit-il.

« Il ne dit pas qu'il n'y aura pas de nouvelle baisse de taux directeurs, il dit simplement qu'il ne peut pas donner de calendrier précis, ce qui déplaît au marché, qui a horreur des incertitudes. Il faudra donc suivre les indicateurs et s'il n'y a pas de baisse en septembre, il pourrait y en avoir une en octobre ou en novembre », ajoute Marie-Laurence Biswang, directrice générale adjointe de
Gaspal Gestion.

Trump fulmine

« Powell nous a encore déçus comme d'habitude », s’est emporté Trump mercredi. « Ce que les marchés voulaient entendre de Jay Powell (...) était que c'était le début d'un long cycle agressif de baisses des taux pour pouvoir rivaliser avec la Chine et l'Europe (...) », a-t-il ajouté.

Pour autant baisse il y a, la première en 11 ans. Et pour la première fois, la politique monétaire américaine est parallèle à celle en vigueur en Europe. La Banque centrale européenne, qui a maintenu les taux à zéro, a ouvert la voie la semaine dernière à une série de remèdes anti-crise, allant d'une ou plusieurs baisses de ses taux à une possible reprise de ses rachats de dette.

Désormais, les données macro-économiques vont certainement redevenir le pivot des décisions futures de la Fed et les marchés sont prévenus. Soit les données restent solides ce qui confirmera le scénario d’une baisse isolée et non récurrente, soit elles se détériorent et la Fed pourra légitimement continuer à agir, avec une certaine marge de manoeuvre puisque aucun calendrier n'a pas été donné, comme elle l’a promis à deux reprises.

Olivier CHICHEPORTICHE