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Fisc : Panama fait de la résistance

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Le Paradis renâcle à devenir un purgatoire

Les députés panaméens se font attendre. Ils n’ont visiblement aucune envie de durcir la loi nationale contre la fraude fiscale malgré de considérables pressions extérieures, mais aussi intérieures. Les députés ont refusé de débattre d'un projet de loi qui sanctionne plus sévèrement la fraude en faisant de l'évasion fiscale un délit. Il n'est considéré que comme une faute purement administrative, qui n'est pas passible de prison.

L’affaire traîne depuis des mois. Le projet de loi, qui prévoit des peines pouvant aller jusqu’à 5 ans de prison pour l’organisation d’évasion de sommes dépassant les 300.000 dollars, a été déposé au début de cette année 2018. Le président de la république en faisait une « cause nationale » cet automne : « le Panama doit être un pays inséré dans le monde et responsable », et pour cela son système financier ne doit pas pouvoir être utilisé « pour quoique ce soit d'illégal », disait-il alors.

Mais pour l’instant rien n’y fait. Le projet de loi se heurte aux réticences de nombreux députés, qui estiment que la nouvelle législation porterait un coup à la compétitivité du secteur bancaire. Ce qui fait dire d’ailleurs à certains experts que le secteur bancaire joue double jeu dans cette affaire car l'Association bancaire du Panama (ABP), qui rassemble près de 70 banques, s'est inquiétée du statu quo dans un communiqué récent: « Le Panama, pour lequel les relations internationales sont essentielles, risque l'isolement et d'être désigné comme le complice des fraudes fiscales », elle redoute un « durcissement des conditions de crédit » sur le marché international et « une plus grande difficulté pour obtenir des emprunts, ce qui peut donner un sérieux coup à l'économie ».

Souveraineté nationale

Pour l'instant les élus ne veulent rien entendre. Ils craignent une instrumentalisation politique, demandent une relèvement des seuils et invoquent la souveraineté nationale, dans un climat de ferveur patriotique autour de la commémoration, chaque 20 décembre, de l’invasion américaine de 1989.

Or le temps presse, le Groupe d'action financière (GAFI), un organisme intergouvernemtal anti-blanchiment d'argent qui rassemble 36 États membres avec également la Commission européenne et le Conseil de coopération du Golfe, a demandé au Panama d'approuver avant la fin de l'année 2018 la nouvelle législation, sous peine de le mettre sur sa liste des paradis fiscaux. D'autres organisations internationales, dont l'OCDE, ont la même exigence. La perspective commence à inquiéter sérieusement le gouvernement : « nous allons être un pays isolé. Les Panaméens qui vivent chaque jour de leur travail vont être affectés », écrit sur Twitter la ministre de l'économie Eyda Varela, « l'évasion fiscale est considérée comme un délit dans presque tous les pays du monde, et les réticences des parlementaires font douter la communauté internationale de notre bonne volonté », a averti la ministre.

Si le Panama est aujourd’hui le dernier grand bastion de l’évasion fiscale, il a tout de même commencé à procéder à des échanges automatiques d’informations selon les normes de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) contre la fraude fiscale, le premier échange a été réalisé le 28 septembre et des données émanant de ses institutions financières seront échangées avec 33 pays, dont la France.

La juridiction offshore panaméenne permet aujourd’hui très officiellement de gérer des transactions, depuis Panama, alors que celles-ci ont un effet en dehors du Panama et viennent de l’extérieur du Panama, les avantages obtenus par la refacturation sont libres d’impôt, Il n’y a aucun impôt sur le revenu engendré par les opérations en dehors du territoire fiscal panaméen administré à partir d’un bureau à Panama. Un système qui permet de nombreuses zones d’ombre.

Mais concrètement, les services bancaires et juridiques, les revenus du Canal et l’import-export représentent 80% du PIB du pays. Le Panama ne peut pas se permettre d’être coupé du monde. La pression économique sera très forte sur les députés dans les jours qui viennent