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Gilets jaunes : la France ne peut s'en prendre qu'à elle-même selon un ministre saoudien

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- - FAYEZ NURELDINE/AFP

Le ministre saoudien de l’Energie a formulé une critique implacable de la politique française de surtaxation des carburants.

En substance, pour Khalid Al Falih, l’Etat français ne peut s’en prendre qu’à lui-même. « Ce que nous voyons en France est malheureux, très, très triste. Ce qui se passe dans ce pays, comme dans beaucoup d’autres d’Europe, c’est que les gouvernements taxent de façon déraisonnable l’énergie pour, essentiellement, subventionner d’autres politiques » a dit le ministre sur Bloomberg TV.

Le ministre saoudien de l’Energie ne s’est pas arrêté là : « Nous faisons ce que nous pouvons pour approvisionner le marché, y compris en allant à l’encontre de nos propres intérêts à court terme. Et [en face], c’est taxe après taxe après taxe ». Le chef de file de l’Opep n’hésite donc plus à reprendre, vigoureusement, une argumentation de longue de date dans les pays exportateurs de pétrole, selon lequel les Occidentaux reprochent la cherté de leur carburant aux cours du brut alors qu’ils ne représentent qu’un paramètre minoritaire dans la formation du prix au consommateur.

Sauf que là, le ministre saoudien ne s’en prend pas aux Américains, mais aux Français. Lorsque Bloomberg TV lui demande s’il ne redoute pas des représailles de la part des Etats-Unis en cas de décision vendredi d’une diminution de la production pétrolière, Khalid Al Falih réplique que ce n’est pas en Amérique mais en France qu’il y a « des émeutes dans les rues, des pillages de magasins et que des monuments brûlent ». Pour lui, c’est « le résultat » d’une politique fiscale française.

Réaction de la France ?

Après cette sortie, un stratège de marché, originaire d’un pays pétrolier arabe et basé à Londres, s'est montré stupéfait : « Depuis quand un ministre se permet de critiquer de telle manière la politique intérieure d’un Etat, client de surcroît ? ». Il a alors interpellé la diplomatie française.

En tout cas, les déclarations de Khalid Al Falih prennent d’autant plus de relief qu’elles proviennent d’un responsable saoudien qui cultive une image mesurée de grand ordonnateur des dossiers pétroliers mondiaux au-dessus des contingences géopolitiques. Avec lui, veut-il signifier, on ne mêle pas économie et politique.

Cette sortie abrupte peut aussi être analysée comme une mise en cause de la façon dont la France mène actuellement sa politique moyen-orientale. A Riyad, le ton dont a usé, lors du sommet du G20 de Buenos Aires, le président français avec le prince héritier Mohammed Ben Salmane, n’aura échappé à personne. Un éditorialiste en vue de la chaîne d’information américaine CNN y percevant même l’expression « du chef de file des démocraties libérales ».

Et puis, il y a eu la décision de prendre, après l’Allemagne, des sanctions contre différents fonctionnaires saoudiens accusés d’être impliqués dans l’affaire Jamal Khashoggi. Le royaume saoudien attend dès lors que Paris revoie son discours qu’il juge, actuellement, à géométrie beaucoup trop variable.