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La Grèce, l’appel d’offres, le défaut et S&P: les clés pour comprendre

Athènes a officiellement lancé, vendredi 24 février, un appel d'offres d'échange de titres.

Athènes a officiellement lancé, vendredi 24 février, un appel d'offres d'échange de titres. - -

Athènes a officiellement lancé, vendredi 24 février, un appel d’offres qui vise à effacer 53,5% de la dette grecque détenue par les créanciers privés. Comment se passe ce type d'opération? Quelles sont les conditions de sa réussite? Pourquoi S&P émet des doutes?

Qu’est-ce qu’un appel d’offres d’échange de dette?

C’est une première dans l’histoire mondiale de la finance: la Grèce a lancé un appel d’offres pour que ses créanciers privés (banques, sociétés d'assurance ou fonds d'investissement) puissent échanger leurs obligations grecques. Une opération qui va dégrader la valeur de leurs titres, mais doit leur éviter d'être confronté à un défaut de paiement total.

Concrètement, ils vont donc pouvoir échanger leurs titres de dette grecque contre de nouveaux. Ces nouvelles obligations prennent en compte la décote sur laquelle la Grèce et les banquiers se sont mis d’accord. Sur l'ensemble des obligations détenues par les créanciers, la décote s'évalue à 53,5%. Au total, avec cette seule opération, c’est 107 milliards d’euros qui pourraient ainsi être déduits de la somme que la Grèce aura à rembourser.

A quelles conditions pourra-t-on parler de réussite de l’opération?

La condition sine qua non pour l'opération soit réussie, c'est que les créanciers privés soient suffisamment nombreux à participer à l’échange. Or, il faut savoir qu’en rendant les obligations grecques qu’ils détiennent, les banquiers, assureurs et fonds d'investissement devront encaisser une perte finale de plus de 70% de la valeur initiale de leurs titres: c’est la conséquence de la décote de 53,5%, assortie de conditions de renouvellement plus avantageuses (taux d'intérêt plus faibles, maturité plus longue). Pas de quoi soulever un grand enthousiasme.

Cela dit, le gouvernement grec est assez confiant. Il estime que la majeure partie de sa dette est détenue par des banques nationales, et que les banques étrangères ont déjà largement réduit leur exposition depuis le début de la crise des dettes souveraines.

La Grèce peut-elle encore faire faillite?

Le document officiel, qui décrit les termes de l’appel d’offres, souligne qu’un seuil de participation d'"au moins 75%" des détenteurs de titres est nécessaire pour valider l’échange. Une telle participation est cruciale, car elle éviterait à la Grèce la faillite. Mais encore faut-il que les créanciers privés participent de manière volontaire à l’opération.

C’est justement cette absence de contrainte qui garantit que la Grèce ne fait pas défaut: si les détenteurs privés de dette grecque devaient se soumettre de manière obligatoire à l’échange, alors les observateurs considéreraient qu’Athènes refuse de rembourser ses dettes et qu’elle fait défaut.

C'est là que le bât blesse. Parce que la loi qui définit le cadre de l’échange de dette, votée au Parlement grec la semaine dernière, prévoit la possibilité d’un recours à des clauses d'action collective (CAC). C'est-à-dire qu'à partir du moment où le taux de participation à l'opération atteint 66%, les créanciers réticents à participer à l’échange pourraient s'y voir obligés.

C’est justement la raison pour laquelle Standard & Poor’s a placé la Grèce en défaut partiel le 27 février. Mais l’agence s’engage à remonter la note d’Athènes d’ici à la mi-mars si l’opération se déroule sans anicroche.

Nina Godart