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Grèce : des promesses difficiles à tenir pour le nouveau Premier ministre

Alexis Tsipras (à gauche) et Kyriakos Mitsotakis (à droite)

Alexis Tsipras (à gauche) et Kyriakos Mitsotakis (à droite) - Angelos TZORTZINIS / AFP

Kyriakos Mitsotakis, fraîchement investi à la tête du gouvernement, a promis de relancer l’économie grecque. Face aux engagements budgétaires imposés par les créanciers du pays, ses marges de manœuvres sont étroites.

Une poignée de main symbolique sur le perron de la villa Máximos. Alexis Tsipras, jusqu’alors aux manettes du gouvernement grec, a laissé la place au chef de file des conservateurs Kyriakos Mitsotakis, large vainqueur des élections législatives anticipées. « Aujourd'hui commence un travail difficile mais je suis absolument sûr que nous serons à la hauteur des événements », a promis, à peine investi, le nouveau Premier ministre hellène. En ayant remporté plus de 40% des voix, son parti, Nouvelle démocratie, s’est assuré une confortable majorité absolue à la Vouli.

Avec une promesse : relancer l’économie grecque en tournant la page de l’ère Tsipras. La Grèce, qui a échappé de peu à la faillite en 2015, est encore en convalescence, terrassée par la crise de la dette et la cure d'austérité imposée par ses créanciers. Après six ans de profonde récession, le pays a timidement renoué avec la croissance en 2017, mais le chômage, malgré une baisse draconienne, grimpe encore à 18%, tutoyant 40% pour les jeunes Grec(que)s.

Un tournant économique pour la Grèce ? Ce n’est pas certain. Le réformateur libéral, héritier d’une vieille dynastie politique, s’est assuré la victoire en évoquant des baisses d’impôts pour les entreprises, promettant d’attirer davantage d'investisseurs étrangers dans le pays. Mais ses marges de manœuvres sont étroites : le dernier plan d'aide internationale à la Grèce, qui a pris fin en août dernier, prévoit un excédent budgétaire primaire de 3,5% jusqu'en 2022 – et la dette publique culmine encore à 180% du produit intérieur brut (PIB).

Négocier avec les créanciers

« La dette grecque, après plusieurs années d’austérité, se résorbe doucement, mais ce travail requiert une grande partie des ressources financières publiques. C’est autant d’argent en moins pour les autres dépenses qui permettent de consolider durablement la croissance. Si l’on choisit de relancer l’investissement, pour pousser la croissance, c’est au détriment de la réduction de la dette. Avec le risque qu’elle devienne un fardeau à long terme », observe Jesus Castillo, économiste chez Natixis.

Pour sortir de l’impasse, Kyriakos Mitsotakis clamait en campagne vouloir négocier avec les créanciers de la Grèce pour alléger les objectifs fiscaux auxquels elle est soumise. Son prédécesseur, fervent militant anti-austérité à son arrivée au pouvoir, avait été contraint d’accepter les réformes rigoureuses exigées par l’Union européenne et le FMI. Le nouveau Premier ministre assure que la situation a changé et qu’il est désormais possible d’entrevoir un assouplissement en présentant un programme de réformes ambitieuses.

La réponse européenne, elle, ne s’est pas faite attendre. « Mon conseil [au nouveau gouvernement], ce serait de respecter les engagements », a prévenu Mario Centeno, président de l'Eurogroupe, au lendemain des élections législatives. « Si nous les brisons, la crédibilité sera la première chose à s'effondrer, entraînant un manque de confiance, d'investissements et, au bout du compte, de croissance », a ajouté le chef de la zone euro.

Ralentissement de la zone euro

« On pourrait envisager des mesures sans incidence budgétaire », analyse Julien Marcilly, économiste en chef de Coface. « A titre d’exemple, une entreprise dont l’un des clients a fait faillite doit attendre quatre ans pour retrouver ses créances. Une réforme judiciaire pour accélérer ce processus ne coûterait rien mais serait un moyen efficace de relancer la machine. Cela permettrait aux entreprises d’investir à nouveau, puisque l’Etat ne peut pas le faire », poursuit-il.

Rien ne semble acquis pour le nouveau Premier ministre grec, d’autant plus que l’ombre du ralentissement de la zone euro et des tensions commerciales à l’échelle mondiale planent sur l’économie grecque. De quoi tuer dans l’œuf la timide reprise économique ? Son premier partenaire, l’Italie, est dans une situation difficile. « Il ne faut pas non plus négliger le risque d’un mouvement de contestation sociale à l’image d’autres voisins européens », ajoute Julien Marcilly.

Les marchés financiers, en attendant, se montrent optimistes. Le résultat du scrutin s’est traduit par un net recul du taux d'emprunt à dix ans du pays, qui enregistrait lundi une détente à 2,038% contre 2,099% le vendredi précédent. L’avènement de Kyriakos Mitsotakis ne vient pourtant qu’accélérer un mouvement déjà engagé sous Alexis Tsipras : le taux à dix ans de la Grèce s’affichait encore à 2,8% en mai, et à 3,5% le mois précédent. « Cette baisse de 150 points de base en deux mois est inédite. C’est un signe du renouvellement de la confiance des marchés », juge Jesus Castillo.

Jérémy BRUNO