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Guerre commerciale ou le petit jeu de Donald Trump

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Le président américain continue à souffler le chaud et le froid mais les investisseurs commencent à se fatiguer de la tactique de la Maison Blanche.

Il y a une semaine, on pensait le dialogue quasiment rompu entre les Etats-Unis et la Chine en matière commerciale. Surtout après l’escalade violente dans le dossier Huawei. Une impasse qui évidemment a provoqué d’importants remous sur les marchés boursiers.

Ce week-end, nouveau et énième changement de ton du côté de Washington. « Je pense que dans quelque temps, la Chine et les Etats-Unis vont conclure un accord commercial formidable et nous attendons ce moment avec enthousiasme », a déclaré le président américain, en marge d'une visite au Japon.

La Chine, très échaudée, appelle au « respect mutuel » après avoir dénoncé les demandes de Washington. « Nous avons toujours dit que les différends entre les deux pays devaient se résoudre par des négociations et consultations amicales », a déclaré Lu Kang, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, lors d'un point presse quotidien.

« Le président Trump parle maintenant d'un accord commercial avec la Chine signé rapidement et a confirmé sa rencontre avec Xi au sommet du G20 les 28 et 29 juin. Détente donc, au moins verbale », observe Stéphane Deo, stratégiste à la Banque Postale Asset Management.

Mais ce petit jeu des montagnes russes commence à lasser les investisseurs. « On commence à mieux comprendre le jeu tactique du Président Trump vis-à-vis de la Chine. Quand cela commence à « tanguer » de trop sur les marchés de capitaux, il distille des « petites phrases », faites pour rassurer la communauté financière et, par-delà, les milieux d’affaires », commente de son côté Hervé Goulletquer, également de la Banque Postale Asset Management.

La forme et le fond

« Ce fut à nouveau le cas hier, sur fond de baisse des marchés d’actions, des taux longs et des cours du pétrole : d’abord « l’accord arrive vite ; il arrive vite » et ensuite « Huawei pourrait en faire partie ». La question pour l’observateur, et donc pour l’investisseur, est de faire la part des choses entre : ce qui est de pure forme (calmer les marchés de capitaux, sachant que l’objectif est de remettre en cause la place de la Chine dans l’économie mondiale ; ce qui ne pourra être que très déstabilisant pour tout le monde), et ce qui correspond à une démarche de fond : forcer la Chine à se comporter selon les règles internationales qui font consensus et devenir ainsi un partenaire fiable au sein des échanges mondiaux ; ce qui participerait d’une consolidation des perspectives économiques ».

Le problème désormais est la dilution de la parole présidentielle américaine. « Si le consensus se forge en faveur de la première hypothèse, alors les « tweets » présidentiels auront de moins en moins d’impact. Avec le risque que l’environnement américain se dégrade et que la perspective de se faire réélire en novembre 2020 devienne plus incertaine. Si la majorité des opinions est en faveur de la seconde hypothèse, alors la communication « originale » du Président américain restera efficace. L’économie devrait résister et la victoire électorale serait plus aisément en ligne de mire. A Donald Trump de choisir, en se souvenant que souvent « qui trop embrasse mal étreint » ! », ajoute l’analyste.

En tout cas, cette incertitude va continuer à peser sur les marchés. « La faiblesse du commerce mondial en raison de ce conflit sino-américain reste le gros point d'interrogation qui va peser sur la confiance des investisseurs » observe Esty Dwek, directrice de la stratégie de marché chez Natixis Investment Managers. Et de poursuivre : « Nous sommes encore en période de réescalade et avec les actions contre Huawei, nous sommes clairement à un autre niveau ».

Reste à savoir désormais quel va être le coût économique de cette politique pour Donald Trump: « pendant combien de temps les marchés et l'économie américaine vont résister" avant que le président américain soit contraint de "revenir à la table » ?, s'interroge la spécialiste.

Malgré l'accumulation des incertitudes, tous les voyants sont pourtant loin d'être au rouge, de l'avis des analystes. « Nous allons avoir des corrections, à l'image de la séance de jeudi, mais le contexte économique reste quand même pour le moment relativement solide », relativise ainsi Esty Dwek.

Olivier CHICHEPORTICHE