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Guerre commerciale : quel rôle pour les banques centrales ?

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Face aux incertitudes économiques, il ne faut pas attendre le « remède miracle » des banques centrales, a prévenu le gouverneur de la Banque de France. L’analyse de François Dubrau, associé chez Cognizant Consulting.

Les banques centrales ne disposent pas d'une « baguette magique » pour « réparer les dommages » causés à l'économie mondiale par des dirigeants politiques comme Donald Trump, a déclaré mercredi le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. Ne peuvent-elles que limiter les dégâts ?

François Dubrau : Il ne faut pas oublier qu’une banque centrale n’a qu’une prise indirecte sur la politique commerciale. Son objectif est d’assurer la stabilité de l’économie et son financement, mais elle ne dispose que de leviers limités pour régir à la politique économique menée par d’autres gouvernements.

Elle joue principalement sur les taux d’intérêts – ce rôle est assuré par la Banque centrale européenne dans la zone euro – et sur les injections de liquidités dans l’économie dans des cas comme les crises de liquidité il y a une dizaine d’années. Lorsque l’on déclare une guerre commerciale unilatérale de l’autre côté de l’Atlantique, et que l’on opère un revirement à 180 degrés de la politique commerciale de l’OMC en vigueur depuis plusieurs décennies, il est très compliqué d’y réagir pour les banques centrales.

Elles peuvent principalement agir sur la devise, en la faisant évoluer favorablement ou défavorablement pour peser sur les exportations ou les importations mais en menaçant toutes les parités croisées avec d’autres devises, avec de possibles dommages collatéraux. Elles n’agissent pas directement sur la politique commerciale.

La BCE pourrait maintenir sa politique monétaire accommodante tant que les incertitudes économiques ne se dissipent pas, et pourrait même faire plus si le ralentissement actuel devenait « un vrai coup de frein », assure le gouverneur. Les tensions commerciales ne semblent pas prêtes de se calmer : doit-on s’attendre à une longue période de taux bas ?

C’est déjà le cas depuis une dizaine d’années. On commençait à revenir très progressivement vers une politique monétaire classique – une baisse des taux lorsque l’économie tourne au ralenti, une hausse lorsqu’elle est en surchauffe – mais nous ne sommes jamais revenus aux niveaux d’avant-crise.

On n’est jamais vraiment sorti des taux bas depuis la crise des subprimes, et on devrait encore y rester quelque temps, contrairement à ce qui était prévu. D’autant que les signaux que l’on observe depuis le début de l’année, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis ou en Asie, semblent indiquer que l’on se dirige vers un ralentissement mondial.

Cette politique monétaire accommodante prolongée ne risque-t-elle pas d’avoir des effets négatifs sur l’économie ?

Je ne pense pas qu’il faille s’attendre à court terme à des effets pervers significatifs que nous ne connaissions déjà, tels qu’un faible rendement de l’épargne. Une absence de remontée des taux pour éviter une surchauffe de l’économie représenterait un risque, mais il n’y a pas réellement eu de surchauffe récemment. Nous ne voyons pas d’emballement des taux de l’inflation en Europe ou aux Etats-Unis.

Certes, on peut craindre que les taux bas soient vus comme de l’argent facile, et s’alarmer de tous les risques associés, mais le niveau actuel des taux ne semble pas avoir entraîné des prises de risque démesurées. Cette politique monétaire accommodante n’est pas une prise de risque des banques centrales. C’est, au contraire, une manière de stabiliser l’économie.

Jérémy BRUNO