BFM Business
Economie et Social

Hubert Védrine: "On aurait pu se comporter plus intelligemment du côté européen" pour éviter le Brexit

L'ancien ministre des Affaires étrangères estime que les Européens ont leur part de responsabilité dans le chaos actuel lié au Brexit. Il estime aussi que les démocraties représentatives doivent devenir davantage participatives.

"On ne va pas se lancer dans les péripéties sur le Brexit. On n'en sait rien. Vous n'en savez rien. Je n'en sais rien. Ils n'en savent rien". Invité de l'émission "12H L'heure H" ce mardi sur BFM Business, l'ancien ministre des Affaires étrangères socialiste (de 1997 à 2002) Hubert Védrine est revenu sur la crise politique et diplomatique liée à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Selon le diplomate, le Brexit trouve son origine dans plusieurs paramètres. "On aurait pu se comporter plus intelligemment du côté européen dans les années qui ont précédé le référendum en répondant en partie à certaines des demandes britanniques pour désamorcer la contestation", pointe-t-il. Et de poursuivre: "Je pense que les Anglais auraient pu être moins irréfléchis, que Cameron a pris trop de risques, etc. Ça c'est le passé. C'est l'avenir qui est important. (...) "Une fois que le Brexit aura eu lieu -s'il n'a pas lieu ça change tout le raisonnement, ne commentons pas. S'il a lieu quand même, la vraie question", poursuit-il, tiendrait au fait de savoir ce qu'il adviendrait dans le cas où la Grande-Bretagne entrerait "dans une phase finale de déclin au terme de laquelle il n'y aura plus de Royaume-Uni".

Et de poursuivre: "Ou alors, autre hypothèse, mais je n'en sais rien. Je n'annonce pas cela. Si jamais les Anglais – qui ont quand même un ressort historique exceptionnel – s'en sortent, s'ils arrivent à remonter la pente, à créer quelque chose de différent, alors là – mais c'est plusieurs années après – faut vraiment que l'Union européenne entre temps ait réussi à corriger suffisamment son fonctionnement pour répondre aux demandes des peuples. (…) Il faut que l'Union européenne puisse supporter à ce moment-là le choc de la comparaison. Rappelez-vous la trouille terrible qui a saisi tout le système européen quand il y a eu la décision du Brexit. Maintenant, ils sont rassurés car ça va être un tel chaos, tellement compliqué, tellement épouvantable pour tout le monde pendant très longtemps que le système européen s'est rassuré. Mais à mon avis ça ne suffit pas".

Quelle voie pour l'Europe?

Dans l'absolu, au regard de tout ce qui se joue dans les différents pays, l'ancien ministre estime qu'"il y a un problème qui n'est pas qu'européen. Il y a une vraie crise des démocraties représentatives, occidentales", assure-t-il. Aussi, l'une des solutions résiderait selon lui dans le fait de mettre en place une nouvelle forme de démocratie.

"Les démocraties représentatives sont terriblement contestées par la démocratie directe parce qu'il y a des populations très informées, qui ont le temps, internet et compagnie. Donc qui veulent sans arrêt intervenir. L'idée qu'on confie un mandat à un président, un gouvernement, un chancelier et on le laisse travailler, on juge au résultat, ça ne va pas. Donc les gens huit jours après sont mécontents, veulent ré-intervenir. C'est très très très compliqué de gouverner des démocraties occidentales. (…) Il faut absolument qu'il y ait une réponse articulée de démocratie plus participative. D'accord. Mais à la fin des fins, il faut bien qu'il y ait quelqu'un qui décide quelque chose. Donc ça c'est l'énorme enjeu indépendamment du projet de l'Union européenne", détaille Hubert Védrine.

"Evidemment, cela s'ajoute aux questions spécifiquement européennes. Mais la réponse est possible. Faut trouver les bonnes réponses. Mais on ne peut pas revenir à la démocratie représentative classique inventée il y a deux siècles. Ça ne peut pas être que ça. Et on ne peut pas être dans le participatif 100% 24 heures sur 24", conclut l'homme politique.

J.C-H