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Hybrides rechargeables : la crainte de la fausse bonne idée

Malgré des possibilités d'économies substantielles, l'hybride rechargeable semble buter sur des limites d'usages en Grande-Bretagne.

Malgré des possibilités d'économies substantielles, l'hybride rechargeable semble buter sur des limites d'usages en Grande-Bretagne. - KEVORK DJANSEZIAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Une première étude en Grande-Bretagne se penche sur l'usage professionel de l'hybride rechargeable. Ses résultats posent une réelle question sur l'intérêt économique de la technologie.

Alors que la plupart des constructeurs mondiaux travaillent à marche forcée à l'électrification de leurs gammes, une solution technologique semble avoir pris le dessus : l'hybride rechargeable. Un moteur électrique et une batterie, à la fois alimentée par l'énergie thermique du moteur, et par une prise de courant quand la voiture est à l'arrêt. La charge est ainsi maximale, avec plusieurs dizaines de kilomètres d'autonomie possibles en tout-électrique.

Simple techniquement, efficace sur le papier et relativement peu coûteuse à produire, elle permet des économies substantielles en termes de consommation et d'émissions de gaz polluants, tout en promettant au conducteur de ne pas risquer la panne d'électricité. Ce qui rend l'usage des véhicules de ce type plus souple, et possible sur de longues distances, bien au-delà des simples trajets urbains.

Enjeu économique pour les entreprises

Des aides publiques à l'achat sont destinées à cette technologie. 2.500 euros versés par l'état, et sans doute une aide commerciale équivalente du côté des constructeurs automobiles eux-mêmes à partir de l'année prochaine. Soit un bonus total de 5.000 euros, qui devient intéressant pour des véhicules généralement coûteux et haut de gamme, et dont les prix ne commencent qu'autour de 30.000 euros.

Le succès est croissant (un marché en hausse de 60% en France sur un an en 2017, pour quasiment 12.000 véhicules) et la demande, notamment en provenance des flottes d'entreprises, commence à devenir un véritable enjeu économique, tant sur le plan de la consommation que des avantages fiscaux à la clé.

Consommation équivalente au thermique

Mais une récente étude britannique, publiée par le cabinet Miles Consultency, a provoqué une douche froide au milieu de l'enthousiasme ambiant autour de cette technologie. C'est la première à s'être penchée précisément sur le fonctionnement et l'usage des véhicules hybrides rechargeables professionnels, qui captent 70% de ce segment dans le pays.

Le bilan est sans appel : sur les 1.500 véhicules testés, le cabinet arrive à une consommation moyenne de 7,2 L/100km, soit une consommation tout à fait comparable à des voitures thermiques classiques. Et bien supérieure à ce que les constructeurs déclarent dans leurs spécifications techniques.

Absence du réflexe de recharge

La raison est simple : le pourcentage de conducteurs qui rechargent la batterie est totalement négligeable. C'est-à-dire qu'une fois la batterie vidée, le moteur essence prend le relais, et consomme autant, à quelques variables près, qu'une voiture classique. La faute à une infrastructure de recharge insuffisante, même si elle est en progrès au Royaume-Uni (10.000 points de charges publics, et plusieurs milliers de dispositifs financés par les constructeurs, distributeurs ou opérateurs de parkings).

Mais l'autre point inquiétant que soulève l'étude, c'est que c'est de l'utilisateur que provient aussi le mauvais bilan : les conducteurs, faute de temps, d'organisation ou par simple absence du réflexe, ne rechargent tout simplement pas leur véhicule ! La voiture continuant à fonctionner normalement, même quand la batterie est vide, ils roulent uniquement sur le moteur thermique, sans souci de leur consommation. Les frais de carburant étant généralement remboursés, l'efficacité de l'hybride rechargeable ne les regarde plus... 

Changement d'usages nécessaires

Et parfois on peut aller bien au-delà de la moyenne constatée par l'étude Miles Consultency, à l'image du 4x4 Mitsubishi Outlander EV, qui une fois ses batteries vides, consomme jusqu'à 12l/100km !

Même si cette étude britannique concerne un nombre très limité de véhicules et l'usage strictement professionnel qui en est fait, elle donne tout de même quelques indications sur les limites de la technologie face à son utilisation pratique et durable. Il n'est pas à douter qu'un particulier (30% du marché), qui utilisera son véhicule à titre personnel, sera plus soucieux d'économiser du carburant en rechargeant bien plus souvent la batterie, quitte à faire installer un chargeur chez lui s'il en a la possibilité.

Mais au vu des politiques publiques et notamment fiscales mises en place en faveur de la technologie d'hybride rechargeable, il faudra rapidement que les usages changent aussi, et que l'infrastructure de recharge s'unifie, s'étoffe et se fiabilise, pour arriver à des résultats probants en termes de réduction des émissions. Ce sera sans doute le défi le plus complexe à relever.